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7 février 2008 4 07 /02 /février /2008 20:24
Une décision de la Cour de cassation relance le débat sur le statut des "enfants nés sans vie"
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La décision de la Cour de cassation concernant le statut des "enfants nés sans vie" n'a pas fini de faire couler de l'encre. Dans trois arrêts rendus mercredi 6 février, la plus haute juridiction a estimé que "l'article 79-1 du code civil ne subordonnant l'établissement d'un acte d'enfant sans vie ni au poids du fœtus, ni à la durée de la grossesse, tout fœtus né sans vie à la suite d'un accouchement pouvait être inscrit sur les registres de décès de l'état civil".

 

Jusqu'à présent, une circulaire de 2001, s'appuyant sur des recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), précisait que la notion d'"enfant sans vie" s'appliquait uniquement aux fœtus considérés comme"viables", c'est-à-dire nés après vingt-deux semaines d'aménorrhée ou pesant au moins 500 grammes. Seuls ces derniers étaient déclarés à l'état civil, les parents pouvant alors, notamment, organiser des obsèques.

"LA SEULE PORTÉE DE CETTE DÉCISION, C'EST L'APPLICATION D'UNE LOI"

Dès mercredi soir, Danielle Gaudry, gynécologue et militante du Planning familial, a dénoncé une "décision très grave". "Franchement, les réanimateurs de néonatalité se posent déjà des questions sur les critères de l'OMS et sur les conséquences, sur l'évolution de l'enfant, de la réanimation à vingt-deux semaines d'aménorrhée", avait-elle estimé, ajoutant que cette décision allait "ouvrir une porte à une intervention massive des anti-avortements". L'Alliance pour les droits de la vie a en effet "salué" jeudi, dans un communiqué, une décision qui "suit l'évolution de la science, qui reconnaît de plus en plus l'humanité du fœtus, la réalité de sa vie intra-utérine aux plans physique et psychique".

"Ce que dit la Cour de cassation, c'est qu'il n'y a aucune durée ou poids minimum inscrit dans la loi française ni dans une convention internationale pour faire inscrire à l'état civil un fœtus né sans vie", explique Me Chevallier, du cabinet d'avocats qui a défendu les parents qui avaient porté l'affaire devant la Cour de cassation. "La seule portée de cette décision, c'est l'application d'une loi. Elle sera sûrement exploitée par les anti-avortement mais elle le sera sans fondement juridique", a-t-il ajouté, en précisant que "cette décision ne remet aucunement en cause le droit à l'IVG".

IL FAUT QUE "LA LOI FIXE LA RÈGLE DE VINGT-DEUX SEMAINES"

Afin d'éviter toute confusion, le médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, a demandé, jeudi, "au gouvernement (...) que la loi fixe très clairement la règle de vingt-deux semaines"."Aujourd'hui, la notion de viabilité dépend de l'appréciation du médecin. Il faut que le politique définisse très clairement, à partir des critères de l'Organisation mondiale de la santé, ce qu'est la notion de viabilité", a-t-il expliqué, demandant à ce "qu'on donne une force juridique" à la circulaire de 2001.

Une demande qui risque cependant de rester lettre morte. "Il n'apparaît pas a priori nécessaire de modifier la loi, la Cour de cassation a rappelé quelle était la loi", a affirmé, jeudi, Guillaume Didier, porte-parole de la chancellerie. Selon lui, la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire n'a fait que "rappeler que le code civil permet à l'officier d'état civil de mentionner les enfants morts-nés sur le livret de famille, de leur donner un prénom et d'organiser des obsèques".

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15 décembre 2007 6 15 /12 /décembre /2007 00:36
"Alors rentrez chez vous et racontez cette histoire à vos femmes et enfants, à vos voisins, à vos amis. Racontez-leur toute l'histoire. Sans rien oublier. Ne dites pas qu'on vous a trompés, vous saviez tous quand vous avez tiré sur des gens désarmés que vous vous rendiez coupables de meurtre. Même si vous pensiez que certains d'entre nous avaient commis un crime. Quand vous tiriez sur des bébés dans les bras de leurs mères, sur des petits enfants, sur des vieillards, vous nous assassiniez parce que nous étions rouges. Alors racontez la vérité, vos mains seront nettes".

"plusieurs guerriers s'attroupèrent. Ils étaient tous silencieux et fatigués par le voyage. Fatigués mais pas épuisés, car la terre leur avait redonné de l'énergie en cours de route. Et c'était surtout l'émoi respectueux d'avoir entretenu une relation étroite avec la terre qui rendait silencieux; on connaissait le caractère sacré d'un tel voyage, c'était un don de la terre à ses enfants les plus nobles. Bien des rouges avaient entrepris semblable parcours et la terre n'avait pas voulu les aider; ils avaient été contraints de faire halte, de dormir, de se reposer et de manger, ils avaient été arrêtés par l'obscurité ou le mauvais temps, parce que leur besoin de voyage n'était pas assez grand ou que le voyage était contraire à ce dont la terre elle-même avait besoin. Ta-Kumsaw, lui, n'avait jamais essuyé de refus; tout le monde le savait. C'était la principale raison pour laquelle on le tenait en haute estime".

in Alvin le faiseur - tome 2 - le prophète rouge
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9 décembre 2007 7 09 /12 /décembre /2007 19:43
Frédéric baudin:

http://www.unpoissondansle.net/rr/0503/index.php?i=4

Jean Bastaire: les gémissements de la création

http://cvxccc.free.fr/spip.php?article147

MICRO-DOSSIER    A 07-6

 

       

ECOLOGIE  ET  CHRISTIANISME

 

 

 

 

 

 

En plus de vingt siècles d'histoire et de tradition spirituelle, mystique et théologique, le christianisme a d'abord vu la nature comme une création bonne dont Dieu a confié à l'homme l'intendance jusqu'à leur salut commun dans et par le Christ à la fin des temps. Mais à partir du XVIIème siècle la philosophie rationaliste instaure un dualisme méthodologique entre matière et esprit, tandis que le protestantisme et le jansénisme renforcent le hiatus entre nature et grâce. Ceci légitime la désacralisation de la nature et sa prise de possession utilitariste par l'homme, parfois en complicité mais souvent en conflit avec le christianisme.

L'émergence de l'écologie dans la deuxième moitié du XXème siècle a mis le christianisme au défi de renouer avec ses racines.


 

 

 

.
               
Compte rendu de la réunion-débat du 13 juin 2007

 

Organisée par l’association X-Environnement

à la Maison des X de 18h à 20h

 

Préparation et organisation : Jérôme Perrin (X 74)

                                                                                        page                                                                                             

                                                                                                                                                                                                      

                                                                                                                     

Le débat, préparé et animé par Jérôme Perrin (X74), sera introduit par des exposés de

 

- Jean Bastaire, écrivain catholique, auteur de plusieurs ouvrages sur la théologie et la mystique         2                                                                     chrétienne de l'écologie, dont "Pour une écologie chrétienne" (Cerf, 2004)


   -
Yvette Veyret, professeur de géographie à l'Université Paris X - Nanterre, qui travaille sur le               5   développement durable, et s'est intéressée en particulier aux différences d'approches de la nature entre les diverses confessions chrétiennes


  -
Laurent Larcher, historien des idées et journaliste, auteur de "la Face cachée de l'écologie"                 9 (Cerf, 2004) où il analyse les dérives de certains courants écologistes et le fonds antichrétien de certaines

 thèses qui remettent en cause la place centrale de la personne humaine au nom d'une vision holiste de la nature.

 

 

 

 

           I.      Christianisme et Nature                                                                      Jean Bastaire

 

     

             

Depuis quarante ans circule dans les milieux écologiques une affirmation qui est devenue un lieu commun et que les chrétiens ont accueilli sans réagir et peut-être sans la connaître eux-mêmes. Elle a pour origine un article célèbre publié en 1967 par un historien américain, Lynn White Jr dans la revue internationale ‘Science’. L’auteur met en cause le dogme « judéo-chrétien » comme responsable principal du désastre écologique. Il dénonce dans la Bible une attitude  qui « non seulement établit un dualisme entre l’homme et le nature », mais voit l’homme comme «supérieur à la nature plein de mépris pour elle, et disposé à l’utiliser selon son moindre caprice[1] ».

 

On est consterné par une telle ignorance du christianisme, réduit à ce qu’en pouvaient figurer les bandes dessinées d’un « beatnik » californien des années 60. Mais cette caricature ayant eu une fortune incroyable, il serait temps que les chrétiens rétablissent la vérité. Du même coup, ils pourraient se demander si une telle imagination mensongère n’a pas trouvé en eux ces derniers siècles quelques prétextes pour se développer. L’erreur d’autrui peut être un bon miroir de nos égarements.

 

 

Tout commence avec le premier chapitre de la Genèse, qui est l’objet de nos jours d’un radical contresens. Rappelons le verset sur lequel repose l’essentiel du procès et dont on ne cite généralement que la seconde moitié : «  Dieu dit : Faisons l’homme à notre image et ressemblance et qu’il soumette les poissons  de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toute la terre et toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre ». (Gen, 1, 26).

 

En d’autres termes, l’homme qui sort des mains du Créateur est présenté comme une image de Dieu dont la vocation est de ressembler à cette image sous peine de trahir le dessein de son Créateur. . Suit une description idyllique des relations entre l’homme dominant et les autres créatures dominées, description qui, illustrant le commandement premier, ne laisse place à aucune violence, puisque tout le monde est végétarien. Où est la tyrannie de l’homme sur les autres créatures ?

 

La situation change après le péché. Un monde différent apparaît, mais c’est un monde blessé, le monde consécutif à la chute, le monde où l’homme s’est précisément comporté en tyran. Alors règne la loi de la jungle. Elle ne supprime portant pas une solidarité fondamentale entre l’homme et les autres créatures.

 

Pour s’en convaincre, il suffit de descendre le cours de l’Ancien Testament en  s’arrêtant par exemple au Deutéronome qui interdit de faire travailler le bœuf le jour du sabbat, le repos étant dû à tous,, ou de faire cuire un chevreau dans le lait de sa mère, toute maternité étant sacrée. A l’appel de Jonas, l’ensemble des habitants de Ninive, hommes et bêtes, obtiennent le pardon par un jeûne unanime ; Isaïe prophétise la réconciliation parousiaque  entre le loup et l’agneau, l’enfant et le cobra.

 

Ménageons une halte spéciale aux hymnes à la création que sont le psaume 103 et le discours où Dieu déploie devant Job toutes les beautés de la nature. La création rend louange pour louange à son Créateur  dans le psaume 148, véritable jubilation cosmique qui emporte montagnes et arbres fruitiers, bêtes sauvages et domestiques, anges, hommes et jeunes filles, dans une même litanie. Elle fait écho au cantique des trois enfants dans la fournaise, chez le prophète Daniel, où défilent en quarante versets toutes les créatures. Au premier siècle avant Jésus-Christ le Livre de la Sagesse, encore plus audacieux, renoue directement avec l’éternité du paradis originel en affirmant : « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de la perte des vivants, il a tout créé pour que tout subsiste » (I ; 13-14).

 

« Il a tout créé pour que tout subsiste », c’est ce que réalise le Nouveau Testament. Car en effet tout était perdu, à cause de la désobéissance et de la dissemblance de l’homme par rapport à son Créateur. Tout est sauvé par l’obéissance et la ressemblance de Jésus, Dieu fait homme qui réunit toutes choses dans une communion retrouvée pour les remettre toutes entre les mains de son père.

 

Le salut apporté par le Christ n’est pas anthropocentrique au sens où il serait réservé à l’homme. Il passe par l’homme mais atteint tout l’univers, suivant en cela le chemin par où s’est introduit le péché. Partout où a passé le péché passe aussi la grâce. C’est une dimension de la révélation chrétienne trop souvent minimisée ou occultée, y compris parmi les chrétiens. Sans elle pourtant, on n’a pas la fin de l’histoire entamée avec la Genèse.

 

Quelle est la fin de la création ? L’apôtre Paul nous l’apprend en termes inoubliables, qui ne laissent rien de l’univers en dehors du salut. Il ne se contente pas de dire, dans l’épître aux Romains, que « toute la création gémit dans les douleurs de l’enfantement, attendant d’être libérée, elle aussi de la servitude et de la corruption pour entrer dans la liberté et la gloire des enfants de Dieu » (8, 19-22)

 

A l’adresse des Colossiens, il édifie une christologie cosmique dont les siècles qui vont suivre sont loin d’avoir développé toute la splendeur : «C’est en Christ qu’ont été créées toutes choses, en Lui que tous les êtres ont été réconciliés par le sang de sa croix ». (I, 15-20). Et de conclure superbement, à l’intention des Corinthiens ; « Quand toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même se soumettra à Celui qui lui a tout soumis, afin que Dieu soit tout en tous ».(I Cor, 15 28).

 

Ce message chrétien a-t’il été trahi après la mort de la première génération apostolique ? Dés le IIème siècle au contraire, une lutte s’engage entre la pensée orthodoxe, dûment authentifiée par les successeurs des apôtres et les divers courants hérétiques qui tentent d’ouvrir cette pensée aux multiples influences qui parcourent le Proche-Orient et le bassin méditerranéen.

 

La bataille se concentre sur un point dont dépend en effet l’issue de la lutte et qui est justement le statut accordé à la création ; deux adversaires contestent la position biblique et chrétienne : les platoniciens et les manichéens Pour les uns le monde est une illusion. Les autres considèrent la matière comme un mal. En poussant à l’extrême leurs attitudes, les platoniciens invitent à s’évader de cette prison, les manichéens à la détruire.

 

Le grand évêque Irénée, au IIème siècle, qui a fini sa vie dans notre pays à Lyon, a magnifiquement opposé à ces hérésies la vision cosmique de l’apôtre Paul pour qui « le Verbe de Dieu est venu de façon visible dans son propre domaine et a été suspendu au bois, afin de récapituler toutes choses en Dieu »[2]. Au IIIème siècle, une Homélie pascale anonyme plante l’arbre de la croix au cœur de l’univers afin que « le grand Jésus redonne vie et force à toutes choses et que de nouveau l’univers entier devînt stable.»[3]

 

Au VIIème siècle, un autre immense théologien, venu d’Orient à Carthage et à Rome, Maxime le Confesseur, exprime en termes inoubliables le mystère du Christ cosmique, «fin antérieure à toute existence », qui « constitue la plénitude où les créatures accomplissent leur retour en Dieu ». Grâce au Nouvel Adam « la terre entière est sanctifiée en revenant à travers la mort au paradis ». Ainsi se réalise la Pâque cosmique, lorsque « le monde total entre totalement dans le Dieu total »[4].

 

Il n’est pas question de nous livrer ici à un parcours, fût-il très bref, de l’histoire chrétienne depuis l’antiquité jusqu’à nos jours. Arrêtons-nous seulement à François d’Assise. Loin d’avoir été en réaction contre son milieu théologique et mystique, François en offre la plus belle illustration. Très tôt après sa mort, les récits se multiplient pour célébrer sa communion avec toutes les créatures et sa capacité extraordinaire à répandre la paix sur toutes choses autour de lui. Il reprend en cela les traits classiques des ermites qui, d’Orient en Occident, d’Isaac de Ninive aux moines irlandais, ont retrouvé auprès des bêtes « l’odeur de paradis ».

 

S’il a une originalité par rapport à ces anciens moines, il la partage avec son temps où se développe une attitude compassionnelle mûrement réfléchie envers les autres créatures. Qu’il s’agisse des milieux cisterciens, dominicains ou franciscains, hommes et femmes éprouvent une tendresse ontologique, liée à une communauté d’être, devant la souffrance de tous les êtres. La meilleure expression en est donnée par Sainte Gertrude, au XIIIème siècle, qui « s’attache à la dignité d’être que toute créature possède souverainement dans le Créateur » et qui «offre à Dieu en louange éternelle cette souffrance d’un être sans raison. »[5]

 

Que s’est-il donc passé dans le monde chrétien, pour que, non pas au moment de la Renaissance ou de la Réforme, mais dans le tournant cartésien du XVIIème siècle, un écart étrange se soit dessiné, une «dénaturation» inquiétante des chrétiens se soit produite ? Montaigne continuait de parler de « nos confrères les animaux».[6].Calvin incluait explicitement «les bêtes brutes, les arbres et les pierres » dans la résurrection finale[7].

 

Voilà que Descartes non seulement déchaîne une controverse énorme avec sa thèse de « l’animal-machine », mais cautionne l’idée de «l’homme-maître et possesseur de la nature »  au sens d’un  tyran qui peut faire ce qu’il veut d’un monde rationnellement transformé en objet. Comme si l’homme, dans le dessein de Dieu, avait jamais été autre chose que le gérant, et non pas le possesseur, le propriétaire de la nature !

 

Il se réalise alors une déchristianisation du cosmos antérieure à la déchristianisation de l’homme. La première annonce la seconde et les chrétiens ne comprennent pas. Ou plutôt ils croient se défendre victorieusement de cette émancipation sacrilège de la matière à laquelle ils apportent involontairement leur caution par un repli stratégique sur l’âme, la vie intérieure, le primat d’un esprit mutilé de son expression charnelle et tout entier en exil ici-bas dans l’attente du royaume éternel.

 

 

 

 

La tâche des chrétiens est aujourd’hui de rechristianiser, de rebaptiser la création, de resanctifier l’univers. Là comme ailleurs, la nouvelle évangélisation à laquelle ils sont conviés ne consiste pas en un retour en arrière, une restauration du passé mais un rebranchement de tradition, un ressaisissement de sens qui leur permettent de susciter l’inédit et d’inventer l’avenir, en particulier dans le domaine écologique.

 

Face à la nature il leur faut retrouver le regard du Christ, Verbe créateur et rédempteur de toute chose, afin de poursuivre et d’accomplir la sauvegarde et le salut de la création. Dans ce but, je placerai mes réflexions sous le signe des trois vertus théologales, foi, charité et espérance.

 

La foi nous rappelle que la création est l’œuvre de Dieu. C’est pourquoi elle est d’une splendeur incomparable. Devant elle, la démarche spontanée du chrétien est l’admiration, qui engendre non moins spontanément la louange. N’est-ce pas d’ailleurs la démarche immédiate de tout homme    vivant en ce monde qu’il soit ou non chrétien ?

 

La charité ouvre carrière à l’écologie proprement dite, qu’on peut définir comme la science du milieu naturel. Qu’est-ce en  effet que se soucier de l’état de la planète, sinon se préoccuper de son équilibre et veiller à sa santé ? Bien entendu, cette inquiétude a pour premier motif notre propre santé. L’homme ne peut vivre sans la terre d’où il est né et où il retourne. Sauvegarder l’univers, c’est d’abord garder sauf et améliorer sans cesse les conditions d’existence que Dieu nous donne.

 

L’amour du prochain commence par l’amour des hommes nos semblables. Mais il ne s’arrête pas là. La tradition chrétienne a cela d’original qu’elle étend la charité à toutes les créatures non seulement pour le bien de l(humanité, mais pour celui des autres créatures elles-mêmes. . Elle centre certes son intérêt sur l’homme. Mais précisément parce que l’homme est le centre de l’univers, elle n’oublie pas que tout ce qui est fait en faveur de l’homme doit retentir jusqu’aux plus intimes profondeurs de la terre.

 

On peut affirmer sans risque d’erreur que le meilleur chemin d’expansion de cette charité universelle est une société de modération et non de consommation sans frein. Le consumérisme est la version moderne de la loi de la jungle dont la prolifération sauvage joue immanquablement contre les faibles. Seule la sobriété permet à la charité  de circuler et de faire mûrir la paix qui règnera à la fin des temps entre toutes les créatures.

 

C’est là qu’intervient l’espérance. Car comme l’a dit Jean-Paul II à Viterbe, en 1984, dans un de ses nombreux discours consacré à l’écologie et trop souvent passés inaperçus : « Le monde est destiné à une mystérieuse transformation qui le préparera selon Saint Paul à entrer dans la liberté et la gloire des enfants de Dieu » (Rom. 8. 21). Comment, conclut le pape, « le chrétien pourrait-il échapper à l’influence d’une semblable perspective dans ses rapports quotidiens avec les réalités terrestres qui l’entourent ».[8]

 

Il ne s’agit plus seulement d’admirer l’œuvre de Dieu et d’en assurer la sauvegarde temporelle pour le bien de tous. L’impératif concerne aussi le salut éternel de l’ensemble de la création. L’espérance ne peut être que globale. Tout ce qui a été créé a été reconnu «bon » par le Créateur dès le premier chapitre de la Genèse. Tout est digne d’être sauvé dans le sillage du  salut de l’homme dont aucune autre créature ne peut être séparée. C’est ainsi que les yeux fixés sur la « nouvelle terre » et les « nouveaux cieux » de l’apocalypse, les chrétiens attestent sans broncher que la fin ultime de l’écologie est la parousie.

 

 

 

 

 

 

                                                                                                                  Yvette Veyret

       II.      Religion et Nature

 

 

Madame Veyret est géographe, elle a beaucoup travaillé en géologie, en géographie physique, en environnement, donc sur des thèmes assez éloignés des questions de religion. Un géographe qui envisage les questions d'environnement se trouve fréquemment confronté aux positions de l'écologie, il est donc amené à réfléchir aux origines des discours, dès lors le sacré apparaît assez vite.

En outre la géographie qui se présente sous de multiples aspects est, entre autres, la science des lieux qui tente de comprendre pourquoi les hommes se sont installés là et pas ailleurs. Les raisons sont  souvent "économiques " et non physiques comme le soulignaient les analyses déterministes en vogue au XIXe siècle. En remontant dans le temps, des facteurs sacrés apparaissent aussi. Si les géographes s'intéressent à ces relations entre la nature et le sacré c'est qu'elles permettent de comprendre des modes spécifiques de perception et de gestion de l'espace dans le passé comme aujourd'hui. Ainsi dans certaines cultures la prévention des risques se heurte à une incompréhension des populations qui acceptent le risque et la catastrophe au nom du religieux.

 

La montagne demeure des Dieux

 

Dans la perception des lieux en Occident, la filiation est évidente entre les plus anciennes manifestations du sacré et les religions chrétiennes qui suivent, notamment le catholicisme.

Les philosophes de l'Antiquité, souvent des mathématiciens, associent réflexions scientifiques et philosophiques. Au Moyen Age les scientifiques sont aussi des religieux. Pour eux, il ne s'agit pas  de dissocier, nature et religieux, il faut au contraire,  utiliser l'une pour construire l'autre. Etudier l'univers et la nature permet de rejoindre Dieu considéré comme à l'origine de toute création.

 

Les montagnes sont considérées comme la demeure des Dieux ou des démons, beaucoup de religions ont leur montagne sacrée, l'Olympe, séjour des dieux en Grèce antique, le Caucase,  royaume des Amazones, des Argonautes. Eschyle d'ailleurs  évoque les sommets du Caucase en en faisant la prison de Prométhée, mais on peut aussi évoquer  le Golgotha, le Djabal Nur où l'archange Gabriel apparaît à Mahomet,  le Sinaï où Moïse a reçu les tables de la loi.

 La montagne est  perçue tantôt comme le centre du monde et de la création, tantôt comme l'intermédiaire entre les hommes et Dieu. Franz Schrader, géographe  soulignait en 1898 que "si l'homme primitif a fait de la montagne, le séjour de plus grand que lui, c'est qu'il y voyait comme le trait d'union qui reliait le ciel et la terre, le monde universel au monde humain, l'infini au fini, l'éternel aux choses qui passent.                               Statues d’archanges d’une                              

église de montagne.

 

Importance des lieux d'eau

En poursuivant l'exploration, nous constatons que les lieux d'eau ont des statuts proches. Certains fleuves sont sacrés : qui ne connaît le Gange ? Les sources de la Seine renferment de nombreux ex-voto que l'on apportait pour guérison. Les lieux d'eau parmi les plus intéressants pour notre propos sont les marais, lieux qui inquiètent comme en témoignent les œuvres littéraires de  George Sand  ou de Guy de Maupassant. Gaston Bachelard oppose l'eau des marais, annonciatrice de mort à l'eau courante, celle du Baptême. Ces zones humides sont aujourd'hui considérées comme des espaces de "vraie nature", peu ou pas transformée par l'homme ; en raison même de cette perception, leur gestion  dissimule de nombreux conflits entre les acteurs impliqués.

 

Les forêts sont présentes dans les contes et légendes celtiques ou  Romains. Pour les Chrétiens, elles sont le lieu de retraite des ermites. "Les forêts, écrit Saint Bernard au XIIe, siècle t'apprendront plus que les livres. Les arbres et les rochers t'enseigneront des choses que ne t'enseignent pas les maîtres de la science". Pour les hommes de Dieu la forêt apparaît  comme l'équivalent de ce qu'est le désert dans les Evangiles, lieu de perdition, "demeure des mauvais esprits" mais aussi lieu de retraite permettant d'être plus prés de Dieu. La vie contemplative prés de la nature, création divine conduit à Dieu. La perception de la nature  et notamment de la forêt est duale, en Occident,  la forêt a aussi été considérée comme l'envers du monde civilisé. Défricher ces espaces "sauvages" comme assécher les marais,  était  faire  œuvre de civilisation qui rapprochait de Dieu.

 

Pour lutter contre les survivances du paganisme, le Catholicisme détourne à son profit les vieilles croyances. Les arbres sacrés, les "arbres à fées" sont dédiés à la Vierge, les forêts sont   semées de croix, de calvaires, de chapelles et d'ermitages. Il en est de même pour la montagne, où la toponymie révèle la place accordée aux saints,  saint Bernard, saint Gothard… Les chemins de montagnes sont protégés par sainte Marthe, saint Véran…

 

Quelles conséquences peut-on tirer de cette sacralisation des lieux ?

 

Les lieux sacrés  peuvent être envisagés comme des lieux de communication avec l'au-delà : La sacralité se traduit de manières diverses quant au rapport que les sociétés entretiennent avec ces lieux : mise en défens totale, interdiction de pénétrer en dehors des pratiques ritualisées (cf. les Aborigènes d'Australie).

La récupération de telles conceptions par les sociétés actuelles est parfois inattendue, en témoigne l'exemple de la Bretagne où la pollution générée par les nitrates liés à l'élevage  demande à être maîtrisée. Pour parvenir à ce but,  des associations de défense de la nature en réfèrent à l'ancienne valeur sacrée des sources! 

 

La religion en face des catastrophes naturelles

Au Moyen Age, et jusqu'au XVIe siècle l'église assimile au mal les forces de la nature. Les saints sont donc là pour contrer le mal. Ainsi, Saint Bernard lutte contre le démon pour installer l'hospice du Grand- Saint- Bernard. Il faut affronter le Diable sous le trait rugissant d'un dragon afin de le chasser dans les profondeurs du Mont Maillet (J. de Vorogine la légende dorée.  XIIIe siècle). Pour Jacques de Vorogine la nature est démoniaque. Ses manifestations sont  envisagées comme une réponse de Dieu au manquement à la règle religieuse.  Jean de Sassenage, évêque de Grenoble, considère que le diable est responsable de la rupture du barrage de l'Oisans en 1219. L'évêque de Grenoble dans son adresse aux paroissiens fait une relation précise du drame, qu'il double d'un appel de fonds, en échanges d'indulgences pour la reconstruction du pont.

Dans la nuit du 24 ou 25 novembre 1948 tout un pan de la montagne d'Apremont au sud de Chambéry s'abattit sur les cinq paroisses qu'elle surplombait dont celle de saint André, les anéantit et fit 5000 morts". Les blocs écroulés du mont Granier constituèrent ce que l'on nomme depuis "les Abymes de Myans". Selon la légende ils s'arrêtèrent

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2 décembre 2007 7 02 /12 /décembre /2007 21:50

L'éthique dans tous ses états
Article paru dans l'édition du 15.12.06

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n idéal ranime, en ce début du XXIe siècle, le coeur de nos démocraties : l'éthique. D'où l'un des grands paradoxes de notre temps. D'un côté, l'esprit de responsabilité semble reculer face aux normes de la consommation et du marché, reléguant au magasin des accessoires obsolètes la vieille rhétorique du devoir et de la vertu. De l'autre, la revitalisation des valeurs est brandie comme l'impératif numéro un : Téléthon, principe de précaution, moralisation de la vie politique... Tout se passe comme s'il n'était plus d'utopie possible que morale. Au point qu'un nouveau métier, celui d'« éthicien », sollicité dans les entreprises comme dans les hôpitaux, a récemment fait son apparition.

Entre le cynisme à courte vue et le néomoralisme, ces deux logiques opposées de l'après-devoir, comment réhabiliter l'intelligence en éthique - une approche éventuellement moins soucieuse d'intentions pures que d'effets bénéfiques pour l'homme ? Cette question est au coeur de ce remarquable ouvrage collectif, qui rassemble une cinquantaine de philosophes de diverses nationalités. Une somme qui s'imposait d'autant plus que les enjeux portés aujourd'hui par les questions éthiques dépassent de loin le champ académique, pour concerner désormais chaque citoyen dans sa vie quotidienne. Quelle position adopter sur l'euthanasie, sur le « devoir d'ingérence » ou la manipulation des embryons ?

Avec la formidable expansion des technologies du vivant, on peut en effet se demander si, une fois réunies les conditions techniques, la différence entre ce qui est permis et ce qui ne l'est pas ne risque pas de disparaître, tandis que s'efface la frontière entre le possible et l'impossible. Mais tout ce qui peut être fait doit-il l'être ? Que les biotechnologies reposant sur la connaissance des gènes laissent espérer un marché de quelque 500 milliards d'euros dans les décennies à venir, est-ce pour autant légitime ou souhaitable, interroge Axel Kahn ? Au-delà de la question des limites, se pose ainsi, comme jamais, celle de savoir sur quels critères, eu égard au bien, au mal ou au bonheur, « déterminer les conduites correctes dans le contexte d'activités particulières ».

Pour le commun des mortels, il semble de plus en plus difficile d'y voir clair, les domaines concernés s'étant terriblement complexifiés et sectorisés : éthique biomédicale, éthique des affaires et de l'environnement, éthique féminine, éthique des médias, des relations internationales, etc. Comme le souligne Ludivine Thiaw-Po-Une, jeune philosophe de 27 ans à qui revient l'initiative et la direction de cet ouvrage, son objectif premier était de fournir un état des lieux de cette diversification, parfois stigmatisée comme une « valse des éthiques », tout en procurant les outils qui permettent de s'y orienter.

Un propos fort bien servi par la construction même du livre, distribué en trois parties. Au premier étage (« Eléments ») : une indispensable série d'études sur les principaux penseurs aujourd'hui mobilisés, d'Aristote à Kant, Foucault ou John Rawls. Et parce que les options du jour ne s'élaborent décidément pas ex nihilo, le lecteur trouvera, en complément, une présentation problématisée des grandes doctrines ayant jalonné l'histoire de la philosophie morale, autant d'héritages qui ne cessent, eux aussi, de nourrir les controverses actuelles. A quoi renvoient au juste le libéralisme moral ? et l'utilitarisme ? le pragmatisme ? le conventionnalisme critique ? Commencer par là apparaît comme une heureuse façon d'éviter un double écueil : celui du relativisme généralisé, et celui qui consisterait à délaisser le problème de la fondation des principes au profit de leur seule application. Car il s'agit également, et peut-être surtout, de savoir ce que l'on place au centre : le respect de la dignité de l'homme (France) ou plutôt son autonomie (pays anglo-saxons) ? Les pièces qui composent le deuxième étage (« Domaines ») permettent ensuite de pénétrer dans chacune des grandes sphères de l'éthique contemporaine - l'économie, la famille, l'écologie ou le champ médical. Une mise en ordre et en sens particulièrement bienvenue à l'heure où « l'offre d'éthiques » laisse les individus aussi hésitants et désemparés que face aux rayons d'une grande surface. Au sommet de l'édifice, une section intitulée « Débats » fait le tour d'un ensemble de discussions liées à « l'éthique appliquée », de la pornographie au clonage, en passant par la fameuse « crise de l'autorité ».

A ceux qui bâillent à entendre le mot « bioéthique », convaincus d'avance de n'y rien comprendre, et ceux - parfois les mêmes - qui estiment que préciser le Bien reste une affaire trop sérieuse pour être abandonnée aux seuls experts, voilà un ouvrage passionnant et accessible qui pourra enfin leur servir de livre de chevet.

Alexandra Laignel-Lavastine



Un généticien à l'Elysée, au chevet de la recherche biomédicale
Article paru dans l'édition du 24.06.07

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E FUT UNE SURPRISE. La toute récente nomination du professeur Arnold Munnich, médecin et spécialiste de génétique, comme conseiller du président de la République « pour la recherche biomédicale et la santé » a doublement étonné dans le monde de la biologie médicale. D'abord parce que peu de chercheurs connaissaient les liens personnels existant entre Nicolas Sarkozy et le chef du service de génétique de l'hôpital Necker-Enfants malades de Paris. Ensuite, parce que ce dernier s'est toujours publiquement opposé à la thèse, développée il y a quelques semaines par le candidat de l'UMP à l'élection présidentielle, selon laquelle la part de l'inné (les gènes) primerait largement sur celle de l'acquis (l'environnement).

Les liens entre les deux hommes se sont noués il y a six ans, après la publication, dans les colonnes du Monde, d'une tribune libre intitulée « Génome, après le tapage » où Arnold Munnich entendait dénoncer les malentendus, les incompréhensions et les illusions nés des spectaculaires travaux sur le décryptage du génome humain ( Le Monde du 2 mars 2001). « Aussitôt après avoir lu ce texte, M. Sarkozy a pris contact avec moi. Il voulait mieux comprendre notre travail et nos interrogations, se souvient le professeur Munnich. Il est venu dans le service une journée entière, a échangé avec les jeunes malades, les infirmières, les chercheurs. Pour ma part, j'ai découvert avec la plus grande surprise un homme politique passionné par les questions de bioéthique et de recherche biomé dicale. Depuis nous sommes restés en contact. »

Le rapprochement entre l'homme politique et le chercheur fut d'autant plus aisé que ce dernier, sans s'engager dans la vie politique, n'a jamais caché partager plusieurs des valeurs que défend haut et fort le nouveau président de la République, à commencer par l'importance devant être accordée au travail et au mérite. Agé de 57 ans, Arnold Munnich a mené de front une double et brillante carrière de médecin et de chercheur en biochimie et en génétique. Celui qui estime tout devoir à deux de ses maîtres (les professeurs Jean Frézal et Axel Kahn) a largement contribué, depuis plus d'une décennie, aux travaux concernant l'identification des gènes des principales maladies génétiques transmises sur un mode héréditaire.

Il est aussi parvenu à fédérer un groupe de spécialistes de diverses disciplines, assurant de manière exemplaire une approche diagnostique et un suivi des malades. Dans le même temps, et à la différence d'autres généticiens comme Alain Fischer (qui travaille aussi à l'hôpital Necker-Enfants malades), il n'a pas été tenté par l'aventure de la thérapie génique.

« L'heure est grave »

Ceux de ses confrères généticiens qui ne partagent pas ses opinions politiques reconnaissent ses qualités professionnelles tout en voyant en lui un parfait exemple de la forme moderne du mandarin hospitalo-universitaire. « A Necker, il est parvenu à créer un véritable château fort, et ceux qui ne lui font pas allégeance ne doivent s'attendre à aucune pitié », confie l'un d'eux. Il a aussi, corollaire, brillamment réussi « à trouver - grâce notamment à l'action de l'Association française contre les myopathies et au Téléthon - d'importantes sources de financement pour les travaux de son équipe, observe un autre. C'est aussi un élitiste, farouche partisan du financement de la recherche sur projet, surtout quand ce sont ses projets qui sont retenus ».

Depuis toujours inquiet de l'usage social et politique qui pourrait un jour être fait de sa discipline, ce généticien estime que l'on n'a pas compris le sens exact des propos tenus par le candidat Sarkozy quant à la dimension innée des comportements pédophiles, de la tendance au suicide chez les jeunes ou du cancer broncho-pulmonaire. Il assure que ses nouvelles fonctions auprès du président de la République ne modifieront pas son travail médical auprès de ses jeunes patients et de leurs familles, un travail auquel il n'est pas loin d'accorder une dimension quasi-religieuse. « Je serai chaque jour dans mon service jusqu'à 18 h 30, affirme Arnold Munnich. Puis j'aurai ensuite une deuxième vie, jusqu'à 23 heures ou plus. »

Sans doute certaines nuits seront-elles blanches. « L'heure est grave, très grave, confie-t-il. Si rien n'est fait, la recherche biomédicale française sera bientôt sur le banc de touche. Ces dernières années, le bilan des publications scientifiques émanant du monde hospitalo-universitaire français est plus que maigre. Il nous faut redistribuer les cartes, donner l'autonomie aux universités et totalement repenser le rôle des organismes de recherche qui, à l'image des National Institutes of Health aux Etats-Unis, doivent devenir des agences de moyens. »

Jean-Yves Nau
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2 décembre 2007 7 02 /12 /décembre /2007 21:35

Conférence à l'institut:

http://www.canalacademie.com/Axel-Kahn-l-ethique-expliquee-aux.html


Axel Kahn confirme l'inexactitude de l'annonce sur les lignées cellulaires embryonnairesLe Pr Axel Kahn, directeur de l'Institut Cochin, participait mercredi 30 août à un "chat" sur le site Internet du quotidien Le Monde sur "Cellules souches embryonnaires : la nouvelle donne ?".

La première question d'un internaute concerne l'erreur des média français dans la transmission de l'information concernant l'annonce du Pr Lanza qui aurait réussi à fabriquer des lignées de cellules souches embryonnaires sans détruire les embryons (cf. revue de presse d'août). Or, à la lecture de la publication dans Nature, les chercheurs ont créé 2 lignées de cellules souches embryonnaires à partir de 90 cellules issues d'embryons au stade blastomère (embryons de 8 à 10 cellules) qui ont été détruits. Le Pr Kahn le confirme. Il explique que les chercheurs ont déduit de leur expérience qu'il pourrait être possible d'obtenir de telles lignées à partir de blastomères (embryons de 8 à 10 cellules) isolés à l'occasion d'un diagnostic préimplantatoire. Il rajoute "il s'agit d'une déduction, ils ne l'ont pas prouvé".

Le Pr Kahn défend la recherche sur les cellules souches embryonnaires et adultes. "D'un point de vue scientifique, il est raisonnable de garder deux fers au feu et de poursuivre les recherches, en parallèle, sur les cellules souches embryonnaires et sur les cellules souches somatiques".

Sur les perspectives thérapeutiques de la médecine régénératrice avec les celules souches, Axel Kahn estime : "Même s'il ne faut pas exagérer les promesses, et tomber dans le lobbying et la mystification (il n'y aura pas d'orviétan cellulaire...), ce sont là des perspectives qui ne sont pas fantasmagoriques".

Sur le clonage "thérapeutique" et la perspective d'isoler des cellules souches d'embryon cloné pour la recherche à des fins thérapeutiques, Axel Kahn rappelle :
- personne n'a encore réussi à créer des embryons humains par clonage,
- de telles recherches nécessitent un stock d'ovules importants. Rappelons que le Pr Hwang a eu besoin de 2061 ovules prélevées chez 450 femmes pour un résultat nul. Pour réunir ce stock, il a du faire pression sur ses laborantines d'un côté, et acheter les autres à 1 500 euros la dizaine... "Par conséquent, pour mener cette recherche, se pose la question démocratique fondamentale de la protection des femmes et de leur corps" explique le Pr A. Kahn,
-
si la technique du clonage d'embryon humain avait été au point, "la première utilisation qui en aurait été faite eût été d'être mobilisée pour les entreprises des candidats au clonage d'enfants"
,
- si un jour la création d'un embryon humain par clonage est réalisée, il s'agirait d'un procédé médical peu crédible tant la technique serait compliquée, lourde et chère.

Axel Kahn appelle à un débat loyal qui ne "force pas la main" des citoyens, qui refusent la recherche sur l'embryon, en les accusant de ruiner l'espoir de guérison de millions de personnes malades.

>> Lire en ligne l'intégralité du chat "Cellules souches embryonnaires : la nouvelle donne ?".

 

 

****************

 

rank Yates :  Une erreur, commise par les journaux francais qui ont retranscrit une dépêche AFP erronée du 22 août, a été reprise par toute la presse francaise récemment à propos des cellules-souches embryonnaires humaines. Cette information prétend (je cite la dépêche AFP) que "(...) une équipe américaine a réussi à produire deux lignées de cellules-souches embryonnaires sans provoquer la mort des embryons utilisés, rapporte mercredi la revue britannique 'Nature'". Or il n'en est rien, et l'article en question est explicite : pour l'instant il n'existe pas de lignées de cellules-souches embryonnaires créées sans avoir recours à la destruction d'embryon. Le travail de cette équipe américaine n'a pas consisté à créer de lignées de cellules-souches sans détruire d'embryon, mais plutôt à faire la "preuve de concept" d'une telle stratégie. De l'aveu même des chercheurs en question, beaucoup de travail reste encore à faire avant de pouvoir véritablement créer une lignée de cellules-souches embryonnaires sans détruire d'embryon. Qu'en est-il ?  


Axel Kahn :  Vous avez raison. La technique utilisée est partie d'embryons obtenus deux à trois jours après la fécondation, limités à 8 à 10 cellules. Ces embryons ont été détruits et toutes leurs cellules ont été isolées. Sur environ 90 de ces cellules (appelées blastomères), 2 lignées de cellules-souches embryonnaires ont été établies. Les auteurs en ont déduit qu'il pourrait être possible d'obtenir le même résultat à partir de blastomères isolés à l'occasion d'un diagnostic préimplantatoire, qui consiste à prendre une seule cellule sur la dizaine que compte l'embryon. Il s'agit d'une déduction, ils ne l'ont pas prouvée.  

FredAix : La récente découverte américaine permettant de prélever des cellules-souches sur des embryons sans leur causer de préjudice serait-elle une réelle avancée éthiquement parlant, ou est-ce une tentative pour faire évoluer les concepts du président Bush, totalement opposé au clonage thérapeutique ?   

Axel Kahn :  Tout d'abord, cette technique ne concerne pas le clonage thérapeutique. Elle concerne les conditions d'isolement des cellules-souches embryonnaires. Si l'équipe américaine était en effet capable d'établir des lignées de cellules-souches embryonnaires à partir de blastomères uniques isolés d'embryons sans les détruire, cela empêcherait tous les Etats qui autorisent le diagnostic préimplantatoire d'interdire cette technique : en effet, ce sont les conditions exactes utilisées pour le diagnostic préimplantatoire (DPI). Les Etats-Unis pratiquent largement le DPI. En revanche, l'Eglise catholique est totalement défavorable à la fécondation in vitro et au DPI, et ne saurait donc se satisfaire de la nouvelle technique.

Pour les pays, comme la France, où il est possible, sous certaines conditions, de détruire des embryons surnuméraires pour en isoler des lignées de cellules-souches embryonnaires, la méthode décrite par l'équipe américaine est de peu d'intérêt. Pour l'instant. Dans l'avenir, on peut pourtant imaginer que des laboratoires privés, par exemple sur Internet, proposent aux futurs parents de faire la fécondation in vitro, de trier les embryons par DPI pour éviter des tares génétiques graves, et, pour le cas où, d'établir une lignée de cellules-souches embryonnaires grâce à laquelle on pourrait soigner le futur enfant et l'adulte qu'il deviendra tout au long de sa vie. Une telle promesse serait aujourd'hui totalement mensongère, mais elle n'est pas fantasmagorique. Une promesse mensongère n'a jamais empêché un business d'être un succès...  

Jérôme :  Le débat éthique sur les cellules-souches embryonnaires ne pourrait-il pas être évité, par l'utilisation de cellules-souches de potentiel identique, présentes ailleurs dans le corps humain ?  

Axel Kahn :  Si des cellules ayant exactement le même potentiel que celui des cellules-souches embryonnaires existaient, en particulier dans l'organisme adulte, vous auriez raison. Cela dit, il est loin d'être établi que tel est le cas.

Dans les différents organes, on trouve des cellules-souches dites "somatiques" ou "adultes", qui, en principe, peuvent régénérer l'organe d'où elles proviennent. Il est possible qu'elles puissent faire un peu plus : dans la moelle osseuse, un très petit nombre de cellules-souches peuvent également être à l'origine de muscle, de cartilage, d'os, et peut-être d'autres types cellulaires. Ces résultats sont cependant difficiles à reproduire et loin de donner accès à un matériel utilisable.  

Mon avis est que : 1) d'un point de vue scientifique, il est raisonnable de garder deux fers au feu et de poursuivre les recherches, en parallèle, sur les cellules-souches embryonnaires et sur les cellules-souches somatiques ;  

2) même pour un catholique fervent qui considère que la vie humaine commence à la fécondation, il n'existe pas d'argument décisif pour s'opposer à une recherche sur l'âge embryonnaire de la vie humaine ; la médecine progresse en effet grâce aux recherches qu'elle mène à tous les âges de la vie humaine.  

Eric62 :  Que pensez-vous des nouvelles sociétés qui font croire à certaines familles que le prélèvement de sang du cordon du nouveau-né leur permettra de se soigner dans l'avenir ?  

Axel Kahn :  Ces promesses sont aujourd'hui mensongères mais, là encore, pas totalement fantasmagoriques. Avec les cellules-souches de sang de cordon, il est crédible que l'on puisse soigner certaines maladies du sang (par exemple des leucémies) des enfants. On n'est néanmoins pas sûr d'en avoir assez. Quant à soigner les autres maladies dont pourrait souffrir cet enfant, affectant d'autres tissus que le sang, la perspective en est beaucoup plus incertaine. Mais, comme je l'ai dit, la crédibilité d'une promesse commerciale n'est pas indispensable au succès du business. 


 

Quant à l'affaire récente dévoilée par le Sunday Times, selon laquelle des sociétés proposeraient également à des sportifs de haut niveau ce matériel afin de pallier les conséquences d'accidents pouvant entraver leur vie sportive, il s'agit d'une perspective encore beaucoup plus irréaliste, dont les bases scientifiques et médicales sont pratiquement inexistantes.


Cependant, les sportifs sont des femmes et des hommes généreux et courageux, mais d'une incroyable crédulité. Les affaires de dopage, par exemple, montrent la facilité avec laquelle ils tombent sous la coupe de n'importe quel charlatan qui peut se targuer d'un vernis scientifique et qui leur promet d'augmenter leurs performances...  

Ievo : L'utilisation de cellules-souches embryonnaires permettra-t-elle des avancées dans les traitements de procréation médicalement assistée ?  

Axel Kahn :  La principale indication des travaux sur les cellules-souches embryonnaires est la médecine régénératrice plus que la médecine de la reproduction. Cependant, on sait aujourd'hui qu'il est possible de commander la différenciation de cellules-souches embryonnaires en gamètes (ovocytes ou spermatozoïdes). Il existe encore des doutes très importants sur le pouvoir fécondant de tels gamètes.

Récemment, une équipe allemande, je crois, est parvenue dans un petit pourcentage des cas à féconder des ovocytes de souris à l'aide de gamètes mâles dérivés de telles cellules-souches embryonnaires. On manque de recul sur l'efficacité globale du phénomène et la qualité des petits animaux qui en naissent. 

A noter que si l'on greffait à un homme stérile des précurseurs de spermatozoïdes provenant d'une cellule-souche embryonnaire humaine quelconque, il ne transmettrait pas son propre patrimoine génétique, mais celui de la personne dont seraient issues les cellules-souches embryonnaires utilisées. Il s'agirait en quelque sorte d'une "fécondation naturelle avec sperme de donneur"...  

Baxter : Quelle est l'utilité de cette procédure dans la mesure où les gamètes sont beaucoup plus faciles à obtenir que les cellules-souches ?  

Axel Kahn : L'utilité serait de remplacer la fécondation artificielle (dépôt d'une paillette de sperme congelé) par la possibilité d'un rapport fécondant. Je ne milite pas pour la technique, dont je m'amuse au contraire des résultats singuliers, si jamais elle était un jour mise au point.

Cependant, avec des techniques de type clonage thérapeutique, on pourrait envisager, si on savait le faire, de prendre des cellules de la peau de l'homme stérile, de transférer leur noyau dans les ovocytes énucléés de donneuses, d'obtenir ainsi un embryon cloné, des cellules-souches embryonnaires clonées auxquelles on commanderait de se transformer en "spermatogonies", les précurseurs des spermatozoïdes. Dans ce roman biologique, l'homme greffé avec de telles cellules produirait des spermatozoïdes portant son patrimoine génétique.  

Philippe Schwartz :  Y a-t-il des espoirs concernant le traitement de la maladie de Parkinson ? J'ai 57 ans et je suis au début de la maladie...  

Axel Kahn :  Il y a beaucoup de progrès réalisés aujourd'hui concernant la maladie de Parkinson et son traitement. De nouveaux médicaments apparaissent, un protocole par stimulation électrique donne des résultats remarquables dans les formes évoluées. Au début de la maladie, on espère être aussi capable de ralentir l'aggravation en protégeant les cellules menacées de dégénérescence. Le remplacement des cellules dégénérées par thérapie cellulaire, qui a déjà fait l'objet d'essais cliniques à travers le monde, est une perspective supplémentaire. A ce jour, il m'est impossible de préciser la voie qui donnera le plus rapidement les meilleurs résultats.  

Jacques :  Pouvez-vous nous expliquer les derniers progrès quant à l'utilisation des cellules-souches embryonnaires pour la guérison du diabète ?  

Axel Kahn :  L'utilisation des cellules-souches embryonnaires pour traiter le diabète insulino-dépendant est lointaine et incertaine. En effet, on sait aujourd'hui transformer des cellules-souches embryonnaires en une grande diversité de cellules de l'organisme, mais avec plus ou moins d'efficacité. Pour des raisons que l'on ne connaît pas bien, les cellules pancréatiques secrétrices d'insuline obtenues par différenciation de cellules-souches embryonnaires ont encore aujourd'hui un fonctionnement très insuffisant. Je fais plus confiance, pour améliorer le traitement du diabète, à d'autres techniques qu'à celles reposant sur des cellules-souches embryonnaires.  

Catherine :  Les cellules-souches peuvent-elles avoir un intérêt pour soigner le sida ?  

Axel Kahn :  Le traitement du sida repose sur la destruction de toutes les cellules infectées par le virus et par le blocage de l'affection de nouvelles cellules. Dans ce contexte, l'utilisation thérapeutique des cellules-souches ne semble pas particulièrement prometteuse. Dans le domaine du sida, les deux voies les plus porteuses d'espoirs sont les médicaments d'une part, la vaccination d'autre part.  

Soja : Quelles sont les pathologies qui bénéficieraient le plus rapidement et efficacement de l'utilisation des cellules-souches embryonnaires ?  

Axel Kahn :  La médecine régénératrice reposant sur les cellules-souches, et en particulier les cellules-souches embryonnaires, serait avant tout indiquée dans toutes les maladies dégénératives, ou dans la réparation de lésions, ou encore dans la reconstitution d'organes abîmés par des traitements.  

Donnons des exemples. Il devrait être possible, dans l'avenir, de renforcer les fonctions d'un coeur affaibli par un infarctus du myocarde. Nous espérons qu'il sera possible, ainsi que je l'ai répondu à un internaute, de préparer des populations de neurones qui pourraient permettre de remplacer des populations en voie de dégénérescence : maladie de Parkinson, chorée de Huntington, par exemple. Les espoirs de pouvoir réparer une moelle épinière lésée ou sectionnée, et donc de secourir des paraplégiques ou des tétraplégiques, sont sans doute à plus long terme.

Les cellules-souches embryonnaires pourraient être à l'origine des cellules-souches réparatrices du sang, et remplacer dans l'avenir les greffes de moelle ou les greffes de cellules de sang de cordon. Fabriquer de la peau pour couvrir des brûlures est une autre indication. On pourrait également envisager de fabriquer de l'os (que l'on sait d'ailleurs faire par d'autres moyens aujourd'hui) pour compenser des pertes osseuses après chirurgie pour tumeur ou accident grave. Dans les maladies du foie, on espère être capable de repeupler des foies malades par des populations de cellules saines, etc.  


Coyote :  Les cellules-souches ne bénéficient-elles pas du même effet de mode que la thérapie génique il y a dix ou quinze ans ? Ne risquent-elles pas d'aboutir aux mêmes désillusions ?  

Axel Kahn :  Incontestablement, il y a un effet de mode en ce qui concerne les cellules-souches, qui transparaît bien à travers les questions qui m'ont été posées : les cellules-souches pour guérir le sida, pour guérir le cancer, pour aider à l'assistance médicale à la procréation, etc.

Pour autant, la thérapie cellulaire est déjà une réalité dont bénéficient, quotidiennement, un grand nombre de malades à travers le monde : comme j'y ai fait allusion, traitement des maladies du sang par greffe de moelle ou greffe de sang de cordon ; traitement des brûlés par greffe de peau ; quelques tentatives de traitement du diabète par injection de tissu endocrine du pancréas.

La médecine régénératrice avec les cellules-souches dont on parle correspond par conséquent à une extension des possibilités d'une technique déjà utilisée et dont l'efficacité est avérée. Même s'il ne faut pas exagérer les promesses, et tomber dans le lobbying et la mystification (il n'y aura pas d'orviétan cellulaire...), ce sont là des perspectives qui ne sont pas fantasmagoriques.  

Jean-Pierre :  Que pensez-vous des brevets sur la recherche de base, en particulier le brevet du WARF concernant les cellules-souches ?  

Axel Kahn :  Je suis totalement opposé à des brevets pris sur la connaissance elle-même, c'est-à-dire sur la découverte. La société libérale occidentale a inventé les brevets au XVIIIe siècle pour protéger le droit des inventeurs à bénéficier de leur invention, invention à laquelle ils pouvaient parvenir plus aisément grâce à un accès libre aux découvertes et aux connaissances qui en découlent.  

Des brevets sur la connaissance et sur la découverte aboutiront à renchérir les inventions, à les rendre plus difficiles, et à rendre les produits qui en seront dérivés encore plus inaccessibles à beaucoup de ceux qui en ont besoin mais dont les moyens économiques sont limités.  

Pascal :  Quelles sont les limites éthiques que vous ne souhaitez pas voir dépasser par cette recherche sur les cellules-souches ?  

Axel Kahn :  Pour moi, la limite éthique absolue est le non-respect du respect dû aux autres. Par conséquent, il faut veiller à ce que la recherche sur les cellules-souches embryonnaires et l'utilisation éventuelle d'ovocytes ne fassent pas peser sur des contingents de jeunes femmes impécunieuses un risque supplémentaire de marchandisation de leur corps.  

Je pense qu'il n'y a pas lieu d'augmenter le pouvoir des géniteurs sur les caractéristiques de leur progéniture. Le sexe d'un enfant, beaucoup de ses caractéristiques, sont le fruit de la grande loterie de l'hérédité, dans laquelle le hasard intervient. Ce hasard permet d'échapper au désir des géniteurs de prendre le contrôle sur le corps de leur enfant. Je suis par conséquent totalement opposé au droit donné à quiconque, et même aux géniteurs, de décider ("évidemment à l'insu de leur plein gré"...) du sexe ou d'autres éléments du corps d'un enfant. Une telle vision exclut naturellement le recours au clonage reproductif.  

Nico :  Quelles garanties existent aujourd'hui en France et dans les autres pays qui maîtrisent cette technologie pour empêcher que ces cellules ne soient conservées et utilisées à des fins non éthiques ?  

Axel Kahn :  La loi française révisée en 2004 institue une Commission de biomédecine dont l'avis est requis pour toute recherche sur l'embryon, tout isolement de cellule-souche embryonnaire humaine et tout type d'utilisation de celle-ci. Le code pénal prévoit des sanctions pour les contrevenants. Des lois similaires existent dans certains pays, mais pas dans tous.  

Isabelle : Est-on en retard, en France, dans cette recherche sur les cellules-souches ?  

Axel Kahn :  La France a une très bonne position sur l'étude des cellules-souches embryonnaires en général, et en particulier animales. Il existe même d'excellentes équipes travaillant sur le clonage des mammifères.  

Cependant, d'autres pays européens sont en avance sur nous, pour des raisons de tradition scientifique, de contexte philosophique, éthique et législatif. Les cellules-souches embryonnaires de souris ont été mises au point initialement en Angleterre, et ce pays a certainement une avance importante dans ce domaine en général. Par ailleurs, la recherche sur l'embryon humain était interdite en France jusqu'à la loi de 2004 et au décret d'application qui date de la fin 2005. Ce retard ne me semble pas rédhibitoire.  

En Angleterre, par exemple, la recherche sur l'embryon, autorisée depuis 1990, passe également par une commission (la Haute Autorité de la fertilité et de la reproduction). Le nombre d'autorisations demandées à cette Haute Autorité est en réalité assez limité.  

Il existe quatre situations : les pays les plus permissifs autorisent la création d'embryons pour la recherche, soit par fécondation, soit par transfert de noyau (quand ce sera possible, car personne ne l'a jamais fait chez l'homme aujourd'hui). La seule condition est de détruire ces embryons avant quatorze jours. Ces pays sont avant tout l'Angleterre, Singapour, la Chine, la Corée du Sud, depuis peu et de manière plus restrictive, la Belgique et certains pays nordiques. 


 

D'autres pays autorisent la recherche sur les embryons surnuméraires, dans des conditions très réglementées, mais interdisent la création d'embryons soit par fécondation, soit par transfert de noyau. C'est le cas de la France, de l'Espagne, des Pays-Bas, par exemple.  

D'autres pays interdisent toute recherche sur l'embryon passant par sa destruction. C'est le cas de l'Italie, de l'Allemagne (mais l'Allemagne est en train de faire évoluer sa loi), de l'Autriche, du Luxembourg, de la Pologne, des pays baltes, de l'Etat du Vatican évidemment, des pays catholiques d'Amérique du Sud, des Philippines, etc.  


Aux Etats-Unis, la situation est plus ambiguë : toute recherche passant par la destruction d'embryons ne peut être financée sur des crédits publics. Aucune loi n'interdit néanmoins de mener ces recherches, y compris le transfert de noyau (clonage dit thérapeutique) dans un cadre privé.  

Seb :  Selon vous, quels principaux arguments pertinents justifient-ils encore une interdiction du clonage thérapeutique ?  

Axel Kahn :  Qu'appelle-t-on clonage thérapeutique ? C'est une technique qui serait basée sur la création par transfert de noyau d'un clone embryonnaire d'une personne à soigner. Des cellules-souches embryonnaires seraient isolées de ce clone. On pourrait leur commander de se différencier en la population thérapeutique dont on a besoin. Après transfert, un tel matériel cellulaire serait parfaitement toléré puisqu'il porterait les mêmes gènes, et donc les mêmes antigènes d'histocompatibilité, que ceux du receveur malade.  

La première question qui se pose est celle du caractère réaliste de la méthode. J'ai personnellement dénoncé la mystification que représentait la présentation de cette méthode comme une extraordinaire perspective thérapeutique follement prometteuse pour des millions de malades souffrant de diabète, de maladie d'Alzheimer, d'infarctus du myocarde, etc.  

En effet, 1) personne ne sait aujourd'hui créer d'embryons humains clonés suffisamment normaux pour en isoler les cellules-souches embryonnaires. Le professeur Wang, en Corée, un des meilleurs spécialistes du clonage animal à travers le monde, a essayé cette technique sur 2 061 ovules prélevés chez 450 femmes. Malgré ses mensonge initiaux, ses tentatives furent toutes vouées à l'échec. Le clonage thérapeutique consiste donc aujourd'hui à mettre au point la techniques de création d'embryons humains clonés, ce qui n'a pas encore été réalisé.  

2) Parmi les 450 Coréennes donneuses d'ovules, 10 % ont eu des troubles d'une certaine gravité liés à la procédure d'induction de l'hyperovulation, procédure aujourd'hui indispensable pour se procurer les précieux ovules. Contrairement à ses dires, le professeur Wang a obtenu ces ovules par deux moyens : il a fait pression sur certaines de ses laborantines pour qu'elles donnent leurs ovules ; elles n'avaient guère la possibilité de refuser... La plupart des autres ovules ont été achetés 1 500 dollars la dizaine. Par conséquent, pour mener cette recherche, se pose la question démocratique fondamentale de la protection des femmes et de leur corps.  

3) Une des raisons importantes pour lesquelles les raéliens, le gynécologue anglais Antinori et d'autres ne sont pas parvenus à cloner des bébés, c'est qu'ils ne maîtrisent pas la première étape de cette procédure : la création d'embryons clonés. Si la technique de Wang avait été au point, et n'avait pas recouvert une fraude, je suis certain que la première utilisation qui en aurait été faite eût été d'être mobilisée pour les entreprises des candidats au clonage d'enfants. Tant les problèmes posés par l'utilisation thérapeutique de la méthode restent compliqués. 

4) Imaginons que toutes les difficultés soient résolues ; une technique thérapeutique destinée à des dizaines, des centaines de millions de personnes dans le monde (les maladies concernées sont fréquentes) et qui exigerait au moins 10 donneuses par malade, c'est-à-dire des centaines de millions ou des milliards de donneuses dans le monde, des dizaines de milliards d'ovules, la mobilisation d'une armée de laborantins et de laborantines pour chaque malade, aboutit à une technique tellement compliquée, tellement lourde, tellement chère, qu'elle est peu crédible en tant que procédé médical.  
Au total, chaque pays, et la communauté mondiale dans son ensemble, peut très bien décider d'autoriser une recherche exigeant la fabrication d'un petit nombre d'embryons clonés chez l'homme. Il faudra alors discuter les avantages (intérêt scientifique, étude des mécanismes des maladies génétiques, peut-être perspectives thérapeutiques pour le futur) en contrepartie des inconvénients (conditions dans lesquelles les ovules seraient récupérés, risque de donner la recette dont ils ont besoin aux cloneurs d'enfants).  

Pour que ce débat soit démocratique, il faut qu'il soit loyal, c'est-à-dire qu'on ne force pas la main des représentants du peuple en prétendant que si jamais ils étaient réticents, alors ils ruineraient l'espoir d'amélioration de l'état de santé d'innombrables personnes malheureuses attendant cela pour être soignées.  

Chat modéré par Constance Baudry

Dominique de Villepin signe la pétition de « Charlie Hebdo »
Article paru dans l'édition du 04.10.07

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harlie Hebdo et SOS-Racisme lancent, dans Libération du 3 octobre, une pétition contre la possibilité de recourir à des tests ADN comme preuve de filiation. Parmi les signataires, Dominique de Villepin, qui, le 23 septembre, s'était déclaré « blessé » par l'instauration de tels tests, estimant que cela ne « correspondait pas à l'histoire et à l'esprit de notre pays ». Figurent également parmi les premiers signataires de cette pétition les socialistes Laurent Fabius et François Hollande, le centriste François Bayrou, Bernard Thibault (CGT), le généticien Axel Kahn et les actrices Jeanne Moreau et Isabelle Adjani.


Les propos sur la génétique de Nicolas Sarkozy suscitent la polémique
LEMONDE.FR : Article publié le 04.04.07
Dans un entretien avec Michel Onfray dans "Philosophie Magazine", le candidat UMP explique qu'il "incline[rait] à penser qu'on naît pédophile". Cette incursion du président de l'UMP dans le champ de la génétique fait réagir sur le Web.

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ne plaisanterie circule actuellement de mail en mail – intitulée "Trouvez l'auteur" –, reprise par plusieurs blogs de philosophie ou d'actualité. "J'inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a mille deux cents ou mille trois cents jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d'autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense."

Le mail invite à répondre à l'injonction, en précisant que l'auteur n'a "aucune formation scientifique". La citation est en fait issue de la rencontre entre Nicolas Sarkozy et Michel Onfray, publiée dans Philosophie Magazine de mars 2007. Une rencontre que Michel Onfray raconte en détail sur son blog.

"VISION RIDICULE ET FAUSSE"

Le généticien Axel Kahn a également dénoncé, dans une tribune publiée par Marianne les propos du candidat UMP : "La vision d'un gène commandant un comportement complexe tel que ceux conduisant à l'agressivité, à la violence, à la délinquance, à la dépression profonde avec dérive suicidaire, est ridicule et fausse". Pour M. Kahn, "cette conviction réaffirmée par le candidat de l'UMP à l'Elysée confirme ses liens idéologiques avec la nouvelle droite".

Sur la Toile, des forums et des blogs consacrés à la question du suicide ont également vivement commenté ses propos : "C'est une erreur absolue car quel scientifique peut prétendre connaître le gène du suicide ?"  L'extrait du texte est d'ailleurs repris, depuis sa publication sur des blogs anti-Sarkozy.

Invité mercredi de l'émission "Questions d'info LCP-Le Monde-France Info", Jean-Marie Le Pen a également donné tort au candidat de l'UMP.  "Si nous sommes habités par des gènes qui sont en eux-mêmes criminogènes, ça veut dire que nous n'avons pas la responsabilité de ce que nous faisons. Il a dû se tromper, ce n'est pas possible", a-t-il estimé. 


Téléthon

Où vont les dons ?

Article paru dans l'édition du 09.12.06
L'Association française contre les myopathies tentera, les 8 et 9 décembre, de battre son record de dons. Bénéficiaires de cette manne colossale, les chercheurs s'interrogent sur ses choix stratégiques

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ue l'on approuve la générosité dont il témoigne ou qu'il agace par le spectacle de la commisération, le Téléthon ne laisse personne indifférent. Pilotée par France Télévision pour le compte de l'Association française contre les myopathies (AFM), la vingtième édition de l'émission tentera, vendredi 8 et samedi 9 décembre, de battre une fois de plus son propre record de dons, qui s'établit depuis 2004 autour d'une centaine de millions d'euros. Depuis 1987, année de lancement du premier Téléthon, 1,2 milliard d'euros a été collecté en faveur de la lutte contre les maladies neuromusculaires. Une sommes colossale, dont les généreux donateurs ignorent largement l'utilisation : en 2004, la Cour des comptes signalait ainsi que le « contenu de l'émission demeure peu informatif sur la destination précise des fonds collectés lors des Téléthon précédents ».

D'une petite association créée en 1958 pour lutter contre les maladies orphelines d'origine génétique, l'AFM est devenue, au fil des Téléthon, une puissante organisation, forte de 500 salariés et structurée comme une société privée. Cette croissance exponentielle n'est pas allée sans quelques dérives. Dans son rapport, la Cour des comptes notait ainsi que les dépenses de fonctionnement avaient doublé depuis 1994, et que les dix rémunérations les plus élevées, qui dépassent parfois 100 000 euros bruts annuels, avaient crû quatre fois plus vite que l'inflation. Après un examen attentif de ces comptes, la Cour donnait cependant acte à l'AFM que « l'emploi des fonds collectés par le Téléthon est globalement conforme à l'objet de l'appel à la générosité publique ».

Depuis le lancement du Téléthon, l'AFM organise ses financements autour de deux grandes missions : « guérir » les pathologies neuromusculaires (63,5 % de ses missions en 2005) et « aider » les malades (33,6 %). Si ce dernier poste a considérablement amélioré la vie des patients, souvent lourdement handicapés, par la création de consultations spécialisées et d'un suivi personnalisé, c'est surtout en matière de recherche biomédicale que l'AFM a assis son influence. Sur ce terrain, elle a remporté d'indéniables résultats, souvent de première importance. Avec l'argent des premiers Téléthon, l'AFM a ainsi créé en 1991 le laboratoire Généthon, qui a réussi à décrypter en quelques années la quasi-intégralité du génome humain et localisé plus de 800 gènes impliqués dans des maladies rares.

Après ce premier coup d'éclat, qui a bénéficié à l'ensemble de la communauté scientifique, l'AFM s'est concentrée, à partir de 1997, sur la recherche de traitements curatifs, en privilégiant la thérapie génique (introduction d'un gène dans une cellule malade) et la production de vecteurs utiles à celle-ci. Associée au CNRS et à l'Inserm, ou finançant directement des laboratoires français et étrangers, l'AFM remporte alors, en 2000, un second succès en obtenant la guérison des « bébés bulle » atteints d'un déficit immunitaire sévère. Depuis, l'argent du Téléthon a servi également à financer la thérapie cellulaire et, notamment, les travaux français menés sur les cellules souches embryonnaires. Aujourd'hui, l'AFM finance ou cofinance 400 programmes de recherches différents, dont 35 essais cliniques sur le gros animal préfigurant de futurs essais sur l'homme.

Malgré ces résultats, la question de la stratégie de l'association est posée par certains scientifiques. Forte de la confiance que lui accordent chaque année les donateurs du Téléthon, l'AFM s'est en effet imposée comme un partenaire incontournable des organismes de recherche français que d'aucuns estiment par trop encombrant. Le choix de l'association de privilégier la thérapie génique - en 1996, l'AFM affirmait : « Si la thérapie ne marche pas encore, un jour elle marchera » - est l'objet de critiques, eu égard à la complexité de cette technique et à ses résultats, jugés mitigés.

« La thérapie génique est globalement un échec, estime ainsi Jean Kirster, secrétaire général adjoint du Syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique (SNTRS-CGT). Or, pendant vingt ans, le Téléthon a eu un effet de rouleau compresseur parmi les équipes de recherche. Il fallait faire de la thérapie génique si on voulait être recruté et financé. » « L'AFM est un de nos très gros partenaires, nuance Christian Bréchot, directeur général de l'Inserm, dont l'organisme a bénéficié, en 2006, de 7 millions d'euros de l'AFM, soit 6 % de ses ressources, hors subventions de l'Etat. C'est un volant incitatif très complémentaire pour nos équipes de chercheurs. Mais nous ne sommes pas dans des relations de diktats : dans le partenariat que nous avons établi, nous maîtrisons les choix scientifiques opérés. »

En tout état de cause, l'association ne se cache pas de vouloir orienter les recherches dans le seul but qu'elle s'est fixé, « guérir », et revendique, à ce titre, « un pouvoir des malades ». Le conseil d'administration de l'AFM, composé de parents d'enfants malades, décide seul, in fine, des projets à financer après avis d'un conseil scientifique. « On ne lâche pas les scientifiques sur cette perspective de guérison, plaide Laurence Thiennot-Herment, présidente de l'AFM. Si on est dans la recherche fondamentale pour la recherche fondamentale, sans être sur la recherche du médicament, cela ne nous intéresse pas. L'objectif est de sauver nos enfants. »

Pour beaucoup de scientifiques, la place et la puissance de l'AFM sont à mettre en regard de la faiblesse de l'implication de l'Etat dans la recherche. « Le poids qu'a acquis l'AFM dans les choix scientifiques est révélateur de l'impuissance des pouvoirs publics à mettre en place une vraie politique de recherche, que ce soit par des fonds publics ou par des donations ou fondations, avec une fiscalité adaptée, comme dans les pays anglo-saxons », analyse Jean-Claude Weill, professeur d'immunologie à l'hôpital Necker-Enfants malades. « L'AFM est une association de malades qui a pour objectif de hâter l'avancée d'un médicament, et non l'avancée de la science, considère pour sa part Axel Kahn, biologiste et directeur de l'Institut Cochin (Paris-V). C'est le prix à payer à partir du moment où une partie de la recherche dépend de la volonté des malades. Il serait dramatique que la recherche en santé soit par trop dépendante de l'engagement associatif. »



L'HOMME, CE ROSEAU PENSANT, d'Axel Kahn
Article paru dans l'édition du 20.04.07

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u'est-ce qui fonde notre humanité et nous distingue des autres espèces animales ? Dans son nouvel essai sur « les racines de la nature humaine », Axel Kahn explore les pistes : la capacité à ressentir la beauté, la liberté ou encore l'idée de bonheur ? Serait-ce le rire, comme l'affirmait Rabelais ? Kahn reprend l'idée de Bergson selon laquelle l'homme rit seulement de lui-même, de ses semblables ou de tout ce qui les évoque, sans lui reconnaître « la valeur d'un mécanisme fondamental et général ». Il souligne que l'humanisation suppose l'interaction avec le semblable. Pour le généticien, le propre de l'homme est l'auto-amplification de ses capacités cognitives et culturelles, cette capacité à exprimer et à percevoir une infinité de contenus à travers une infinité de symboles. Son aptitude aussi à se construire une conscience et une morale. Ainsi, nous dit Axel Kahn, seul l'homme possède la responsabilité de s'imposer un devoir. Ce livre brillant et érudit a des résonances très actuelles. En particulier lorsque Axel Kahn évoque l'« ensauvagement » : « Tout se passe comme si l'incapacité de la civilisation moderne, développée et technicisée, à éradiquer toutes les formes d'associalité était mise sur le compte de leur origine neurogénétique, débouchant sur l'illusion d'une possible correction thérapeutique de cette résistance à la domestication. » On ne saurait mieux dire.
Paul Benkimoun
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2 décembre 2007 7 02 /12 /décembre /2007 21:27
Assemblée nationale : auditions sur la loi de bioéthiqueL'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), organisait hier, jeudi 29 novembre, à l'Assemblée nationale, une journée d'auditions sur "Sciences du vivant et société : la loi de bioéthique de demain". Animée par Alain Claeys, député de la Vienne et Jean-Sébastien Vialatte, député du Var, cette journée préparait la révision des lois de bioéthique de 2004, prévue en 2009.

Deux idées ont émergé au cours de cette journée :

- établir une loi cadre fixant les grands principes régissant toutes les questions de bioéthique et instituer des agences indépendantes dont le rôle serait de décider ensuite de délivrer ou non les autorisations. Ces agences auraient un rôle jurisprudentiel concernant les nouvelles pratiques biomédicales. Cette idée était défendue notamment par Jean-Claude Ameisen, directeur du comité d'éthique de l'Inserm, Alain Claeys et Axel Kahn, directeur de l'Institut Cochin.

- continuer la recherche sur l'embryon et gommer la référence dans la loi au "bénéfice thérapeutique", aujourd'hui préalable nécessaire - au moins théoriquement - à toute autorisation de recherche sur les cellules souches embryonnaires. La loi de 2004 posait en effet comme principe l'interdiction de la recherche sur l’embryon tout en autorisant la recherche sur les embryons dits "surnuméraires", congelés depuis plus de 5 ans et dépourvus de projet parental. Cette "exception" reste soumise, selon la loi, à deux conditions : celle "d’être susceptible de permettre des progrès thérapeutiques majeurs" et celle "de ne pouvoir être poursuivie par une méthode alternative d’efficacité comparable". Aucune thérapie avec les cellules souches embryonnaires n'étant envisageable avant des années, certains intervenants (Alain Claeys, Jean-Claude Ameisen, Axel Kahn...) ont demandé à supprimer la condition "thérapeutique" de la loi.

Axel Kahn a ainsi défendu l'idée d'autoriser la recherche sur l'embryon pour la seule connaissance scientifique. D'après lui, le moratoire actuel est "stupide", d'autant plus qu'il n'y a aucune raison morale suffisante d'interdire la recherche sur l'embryon. Pour lui, la valeur importante en matière de bioéthique est celle de la réciprocité ("mes droits doivent être aussi ses droits"). Il a aussi évoqué les risques majeurs de la science, appelés "icônes corruptrices" dont la passion scientifique, l'argent, la compétitivité et la tentation de nier l'humanité du "matériau" de recherche. Il a en même temps rappelé sa définition de l'embryon humain : "l'embryon est le début éventuel d'une vie humaine".

Claude Huriet, président de l'Institut Curie et membre du Comité international de bioéthique, a souligné le glissement qui s'opérerait si l'on supprimait le mot "thérapeutique" : passer du bénéfice thérapeutique à celui de la seule connaissance scientifique change profondément la nature du débat...

Revenant sur la découverte révolutionnaire de Shinya Yamanaka (cf. Synthèse de presse du 21/11/07), Claude Huriet se demande si le législateur s'appuiera sur ces avancées bouleversantes. Jean-Claude Ameisen montre lui le formidable espoir que les travaux de Yamanaka font naître. Il remarque notamment que 10 ans se sont écoulés entre la première brebis clonée et les premiers primates clonés ; que 15 ans ont été nécessaires pour passer de la connaissance des cellules souches embryonnaires de souris aux cellules souches embryonnaires humaines ; alors qu'il a fallu à peine 1 année à Shinya Yamanaka pour passer de sa découverte sur l'animal (publiée en août 2006) à son application à l'homme.

Catherine Labrousse-Riou, professeur de droit (Université Paris I), a abordé le problème du don d'ovocytes et de gamètes. Elle rapelle qu'on ne peut pas considérer les gamètes de la même façon que les autres cellules du corps humain ; ce serait faire fi de la nature même des choses. La gestation pour autrui (mère porteuse), qui est engendrer un être humain pour quelqu'un d'autre, remet en cause le principe de filiation en séparant la maternité génétique de la maternité gestationnelle. Pas une société ne peut échapper à ce système de parenté : l'identité généalogique est fondamentale, structurante pour tout être humain. Elle rappelle que le principal intéressé par ces question est l'enfant et qu'il ne faut pas l'oublier... Alors que l'on parle sans cesse de droits de l'enfant, la science a le pouvoir de restaurer, de manière archaïque, une puissance parentale beaucoup plus forte que par le passé ; cette pression s'exerçant in utero. Elle met en exergue la contradiction qu'il y a entre le fait de développer les tests de paternité et donc de valoriser le facteur biologique tout en le niant via le don de gamètes anonyme et la destruction du lien de filiation introduit par la pratique des mères porteuses.

Jean-Sébastien Vialatte a demandé quels étaient les effets de la stimulation ovarienne, à long terme, sur les femmes donneuses d'ovocytes et le nombre de personnes qui vont à l'étranger pour recourir à la gestation pour autrui. Le professeur René Frydman, chef de service de gynécologie obstétrique à l'hôpital Antoine Béclère, a répondu qu'il n'y a aucune conséquence sur les donneuses d'ovocytes et que personne ne dispose de données précises sur le nombre de couples qui vont suivre à l'étranger un processus de gestation pour autrui.

Bertrand Mathieu, professeur de droit (Université Paris I), est intervenu sur les tests génétiques et la médecine prédictive.

Arnold Munnich, chef du service de génétique médicale de l'hôpital Necker-Enfants malades, est convaincu que libéraliser davantage la recherche sur l'embryon ne permettrait aucun essor. Il s'est élevé contre ceux qui s'estiment bridés par la loi actuelle. Pour lui, la recherche en France, n'est pas contrainte, du moment que les projets sont scientifiquement crédibles.

Il a insisté sur la nécessité de ne pas vendre de rêve au public, en citant notamment les discours grandiloquents sur la thérapie génique avec lesquels on a bercé l'opinion publique depuis 20 ans. Or, rappelle-t-il, 20 ans après les premiers travaux sur le gène responsable de la myopathie de Duchenne, la recherche en est toujours au même point.

Il a évoqué cette erreur afin que l'on ne la commette pas à nouveau avec la recherche sur les cellules souches embryonnaires... "Depuis 20 ans, on a fait naître chez les patients de faux espoirs, à coup de grands discours grandiloquents, alors qu'aucune avancée n'a jamais été due à la thérapie génique." Le "tout thérapie génique" relève, selon lui, de l'idéologie et non pas de la science.

Concernant la recherche sur l'embryon, il a évoqué trois possibilités pour la prochaine loi : libéraliser, prolonger le moratoire existant ou revenir en arrière (comme cela s'est déjà vu, pour les OGM, par exemple).

Didier Houssin, directeur général de la santé au Ministère de la Santé, est revenu sur la loi de bioéthique de 2004 qui compte 27 décrets dont 20 sont déjà sortis et 2 sont en lecture au Conseil d'Etat. Il a énuméré les thèmes qui seront abordés au cours des discussions sur la révision de la loi de 2004 :
- la Convention d'Oviedo que la France n'a pas ratifié ;
- le Conseil consultatif national d'éthique (CCNE), ses missions, ses objectifs ; la nécessité d'avoir ou non une autorité indépendante de ce type ;
- l'Agence de la biomédecine, ses résultats, ses fonctions ;
- le moratoire sur la recherche sur les cellules souches embryonnaires ; le clonage thérapeutique ; la procréation médicalement assistée (PMA) pour les personnes seules, les couples homosexuels, la gestation pour autrui... ;
- le statut du fœtus (au regard du nombre croissant de "foeticides" lors d'accidents sur des femmes enceintes et après l'affaire des fœtus de St Vincent de Paul) ;
- les greffes : consentement présumé, gratuité, anonymat...

Carine Camby, directrice de l'Agence de la biomédecine, a précisé qu'il n'y avait aucun calendrier détaillé pour le processus de révision de la loi de bioéthique. Prévue en 2009, la révision pourrait avoir lieu plus tardivement, jusqu'en 2011, l'important, pour elle, étant que cette révision se fasse dans les cinq ans après la création de l'Agence de la biomédecine.

Jean-Sébastien Vialatte souhaite que la France ne se calque pas sur le modèle anglo-saxon en matière de bioéthique. Arnold Munnich appelle lui la France à faire entendre ses principes fondés sur les valeurs judéo-chrétiennes, surtout lorsqu'elle sera à la présidence de l'Union européenne.

[NDLR : Au vu de l'état de la recherche sur les cellules souches embryonnaires et des résultats obtenus avec les cellules souches adultes, notamment celles issues du sang de cordon, les mentions légales de "progrès thérapeutiques majeurs" (notion largement mise en avant afin d'acquérir les voix de l'opinion publique) et d'"alternative d'efficacité comparable" risquent de compromettre les autorisations de recherche sur l'embryon... On comprend donc l'insistance avec laquelle certains intervenants ont demandé à ce que l'exigence thérapeutique disparaisse de la loi.]

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28 novembre 2007 3 28 /11 /novembre /2007 10:08
Stéphane Clerget, psychiatre et pédopsychiatre
"Une grossesse interrompue peut avoir des répercussions sur le prochain enfant"
LE MONDE | 27.11.07 | 15h00  •  Mis à jour le 27.11.07 | 15h00
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Vous venez de publier un livre sur les répercussions psychologiques des interruptions de grossesse, volontaires comme les IVG ou involontaires comme les fausses couches. Pourquoi ce travail ?

Certaines femmes peuvent encore souffrir dix ans après la perte de leur foetus. Ces traumatismes ne sont pas pris en considération, ou très peu, par l'entourage, la société, et la douleur peut s'enkyster.


Mais si on évoque les conséquences psychologiques des IVG, on risque de devenir suspect de soutenir les mouvements anti-avortements. Par ailleurs, on ne plaint pas une femme qui a fait une IVG parce qu'on considère qu'elle l'a voulue. On parle peu également des interruptions de grossesse non désirées qu'elles soient médicales ou qu'il s'agisse de fausses couches. Les médecins ont tendance à évacuer le sujet en expliquant à leurs patientes que "c'est la sélection naturelle", que "c'est mieux comme ça", qu'"il faut vite refaire" un bébé. Aujourd'hui, dans une société où l'on maîtrise la procréation, les femmes qui subissent ces pertes peuvent en éprouver de la honte, le vivre comme un échec personnel ou en concevoir beaucoup de culpabilité en pensant qu'elles ont été trop actives, qu'elles n'ont pas pris toutes les précautions.

Vous expliquez que les enfants également peuvent en être affectés...

Un deuil non fait peut être inoculé à son enfant. Plus ils sont jeunes, plus les enfants sont réceptifs à la douleur de leur mère. Ils expriment alors de la tristesse, des troubles du sommeil, ou encore de l'irritabilité, de l'agitation, de l'hyperactivité... Ce sont autant de façons de lutter contre le repli de leur mère. Ils peuvent également éprouver un sentiment de culpabilité pour avoir désiré la disparition d'un rival annoncé. Certains petits peuvent imaginer que le foetus mort a été digéré par leur mère. Ils peuvent alors craindre d'être à leur tour dévorés et par conséquent prendre de la distance vis-à-vis de leur mère. Il faut parler aux enfants de la fausse couche, leur dire que le foetus "n'a pas voulu naître" pour les déculpabiliser.

Une grossesse interrompue peut aussi avoir des répercussions sur le prochain enfant. La femme enceinte peut se retenir de trop investir le futur nouveau-né afin d'anticiper une éventuelle perte. Si la mère n'a pas fait le deuil de l'enfant idéal qu'elle portait, elle peut considérer inconsciemment celui qui le suit comme un enfant de remplacement qui se doit d'être à la hauteur d'un être idéalisé, donc sans défaut.

Que préconisez-vous pour aider les mères ?

Il faut légitimer la douleur morale liée à la perte du foetus. Dans le cas de fausses couches tardives, de mort in utero, ou d'interruptions médicales de grossesse à partir de 5 mois, il est possible d'inscrire l'être à l'état civil ou sur le livret de famille. Mais il reste à mettre en place des rituels laïques ou religieux pour ceux qui le souhaitent. Dans le cas de fausses couches plus précoces, il faut aider la mère à se détacher de son enfant perdu en lui proposant systématiquement une consultation psychologique. Je pense à la violence que vivent des femmes qui ont perdu leur foetus en allant aux toilettes. C'est une douleur inaudible et indicible pour beaucoup qui peut justifier une prise en charge spécialisée.

"Quel âge aurait-il aujourd'hui ?" de Stéphane Clerget (Fayard, 307 p., 19 €).
Propos recueillis par Martine Laronche
Article paru dans l'édition du 28.11.07.

 

Réaction des lecteurs:

 


 


mireille u.
28.11.07 | 08h42
Oui, il faut insister sur la douleur et le deuil non compris, non soutenu par l'entourage et la société des femmes qui ont perdu un enfant in utero, même lorsqu'elles ont choisi l'IVG. En juillet dernier, l'une de mes petites cousines s'est suicidée après une IVG fortement "conseillée" par sa mère qui lui démontrait les problèmes infinis que susciteraient un 3e enfant. J'ai soutenu le MLF, j'ai applaudi à la loi Veil mais ceci n'exclut pas le suivi psychologique des femmes qui perdent un enfant.

Marion B.
27.11.07 | 23h13
Merci pour cet article qui aborde un sujet difficile en raison des nombreux lobbying anti-avortement et de la crainte de ceux-ci ; mais aussi en raison de l'ignorance totale de la douleur et de l'absence d'accompagnement lors de ce type de choix (qui même s'il est volontaire reste très dur et douloureux pour certaines).

D H.
27.11.07 | 23h05
Toute douleur entendue fait moins de dégats quelle qu'elle soit.Alors abstenons nous de juger de la validité de telle ou telle douleur.Il y aurait donc les bonnes douleurs et les mauvaises? Les douleurs acceptables pour "la cause" et celles que l'on ne saurait entendre? L'inhumanité commence par ce genre de jugement!

Blabla
27.11.07 | 22h47
Encore de l'importation de compassionnel in utero.Saint Augustin ne cessait de rappeler que nous sommes nés dans la fèce et l'urine. Ce monsieur pratique la même charité dans ses diagnostics.Or, le ventre des femmes est d'abord un lieu politique.Voilà ce que ce psy devrait expliquer à ses patientes.Et leur conseiller de lire Sloterdijk ou Beauvoir.C'est ça qui leur changerait vraiment les idées. Non au catéchisme sournois ou ignare dont les médecins souvent se font les véhicules.

Isa
27.11.07 | 22h20
Enfin on commence a parler de choses humaines! Cet article ne concerne pas uniquement les IVG souhaitées. Il ne légitime pas ceux qui s'opposent à l'avortement. Il parle des femmes et de ce qu'elles vivent concrètement, pour faire avancer plus loin les choses et prendre en compte la souffrance, aider... Au contraire, on commence enfin à sortir des clichés.

F. S
27.11.07 | 20h42
Cette article est dangereux car il légitime celles et ceux qui s'opposent à l'avortement. De plus beaucoup de femmes ne souffrent pas de se faire avorter mais sont au contraire heureuses et soulagées de pouvoir interrompre une grossesse non désirée. Enfin, cet article est très sexiste, il ne parle absolument pas du père, comme si la venue d'un enfant ou pas ne le concernait pas.Rien de nouveau sous le soleil, toujours les mêmes représentations archaïques de la maternité et de la paternité.

Luiz P.
27.11.07 | 20h16
C'est une lapalissade ? Nous pourrions dire "Une grossesse menée à terme a, elle aussi, des répercussions sur le prochain enfant". Accoucher aussi implique un deuil. La mère souffre aussi quand elle accouche. Et ainsi de suite. Il vaudrait mieux être plus précis : "Une grossesse interrompue contre l'avis de la mère a des répercussions, etc..." Mais il y a d'autres possibilités: "Un accouchement non désiré peut avoir des répercussions..."

Virginie K.
27.11.07 | 17h45
Merci de parler aussi justement de cette douleur et de contribuer a ce qu'elle soit mieux prise en compte et comprise d'une maniere generale.


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27 novembre 2007 2 27 /11 /novembre /2007 12:59

Extrait de "Synthèse généthique" du 27/11/2007


Rappelant la dynamique du Téléthon qui affiche le financement de nombreuses recherches, il remarque dans le même temps que l'environnement change : les recherches du Téléthon ne font plus l'unanimité. Des voix s'élèvent. Il rappelle que de nombreux évêques réitèrent leur appel à la responsabilité éthique des chrétiens. Il évoque aussi l'ouvrage étonnant de Nicolas Journet, intitulé "Génétiquement incorrect". Là aussi le ton change. Nicolas Journet atteint d'un syndrome de Marfan, revendique aujourd'hui son statut de "mutant" et souligne que "Marfan ou pas", il fera tout pour avoir des enfants, en excluant le recours au diagnostic préimplantatoire. Dans un chapitre intitulé "Jésus vs Téléthon", il explique que "le Téléthon me donne autant d'urticaire que l'épiscopat catholique" mais souhaite que "la société assume son rôle" et aimerait que l'on puisse dire que la pratique du diagnostic préimplantatoire et de l'interruption médicale de grossesse sont du domaine de "l'eugénisme". Il revendique un droit à "l'impureté génétique".

Génétiquement incorrect est le titre du livre de Nicolas Journet, atteint du syndrome de Marfan. Cette maladie est une anomalie génétique rare qui fait peser sur lui la menace permanente d'une crise cardiaque.

A travers les différentes  consultations médicales, Nicolas Journet a découvert le manque de prise en charge des maladies génétiques. Il se souvient des entretiens avec les médecins qui culpabilisent ses parents. Pour le corps médical, il est impensable de mener une existence heureuse avec une anomalie génétique. Ses parents auraient dû faire un diagnostic prénatal, pour "empêcher sa naissance".

Nicolas entend bien prouver qu'il a toute sa place dans ce monde. Abraham Lincoln, Paganini, Marie Stuart, Rachmaninov ont été atteints de ce syndrome. Aurait-il fallu les supprimer ?

Nicolas Journet revendique, haut et fort, son envie d'avoir des enfants. "Qui expliquera aux parents que maladie génétique et bonheur ne sont pas des termes antinomiques ?"

Pour en savoir plus : http://www.dailymotion.com/video/x3lw0b_genetiquement-incorrect-par-nicolas_news

Génétiquement incorrect, Nicolas Journet,  éd. Danger Public, 2007, 250 pages.

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19 novembre 2007 1 19 /11 /novembre /2007 22:29
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Nous cherchons personnes pretes à laisser pour la durée de leur séjour le confort moderne, pour retrouver une vie simple. Vous pouvez apprendre le français. Permaculture - traction animale - spiruline - autoconstruction - pain - dans un écohameau de deux familles (4 enfants). Toilettes sèches - lumière à la bougie souvent -nourriture bio: végétarienne/végétalienne ou crudivore 100 % - lieu nonfumeur. Apporter sac de couchage, gants de travail et lampe de poche.Village à 750 m dans la montagne au Nord-Ouest de Nice (70 km) a 70 km en montagne.


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19 novembre 2007 1 19 /11 /novembre /2007 09:53

Jean-Louis Murat, auteur-compositeur-interprète, publie " Charle et Léo ", des poèmes mis en musique par Léo Ferré, chansons jamais parues.

V2, maison de disques indépendante à laquelle vous apparteniez, ferme ses portes fin novembre après son rachat par Universal Music. Qu'en pensez-vous ?


Les gros mangent les petits, c'est le capitalisme. Pascal Nègre, PDG d'Universal Music France, applique la politique des dirigeants et actionnaires de Vivendi, qui espèrent qu'à la sortie de la crise du disque, ils auront absorbé les meilleurs afin d'alimenter en musique SFR, Canal+...

A chaque rachat ou fermeture d'une maison de disques, des gens brillants sont broyés. Et les internautes crient hourra ! J'affirme que la crise du disque est un leurre, elle n'existe pas : l'offre est intacte, la demande croissante. Mais, chaque nuit, dans les hangars de la musique, la moitié du stock est volé. Imaginez la réaction de Renault face à des délinquants qui forceraient la porte quotidiennement pour dérober les voitures !

Des gamins stockent 10 000 chansons sur l'ordinateur familial, après les avoir piquées sur le Net. La société, des députés, des sénateurs trouvent cela vertueux ! Or, c'est un problème moral : tu ne voleras point, apprend-on à nos enfants. En outre, ces rapines via le Net s'effectuent dans l'anonymat. L'écrivain américain Brett Easton Ellis a dit : "Depuis la nuit des temps, l'Antéchrist cherche un moyen de prendre le pouvoir sur les consciences de l'homme, enfin il y est arrivé avec Internet." Le Web rend les gens hypocrites, il incite à prendre des pseudonymes. C'est un monde de délation, intoxiqué de spams et de pubs.

Pourquoi les musiciens et chanteurs ne prennent-ils pas plus fermement position comme vous le faites ?

Chez les artistes, règne l'omerta. Dès qu'ils dénoncent les pratiques de voyou sur Internet, ils sont attaqués par des petits groupes d'internautes ; ceux-ci s'y mettent à une dizaine, se font un plaisir de mettre la totalité de la discographie de l'impétrant à disposition gratuitement, partout, dernier album compris. Ils sont sans visage. Les Arctic Monkeys, en Grande-Bretagne, ont eu recours à des shérifs du Net après s'être fait connaître sur le Web, et les internautes britanniques sont en train de leur faire la peau, au nom de la liberté. Mais quelle liberté veut-on ? Celle de se goinfrer ? Avec des gens qui ont 20 000 titres sur leur disque dur et ne les écoutent jamais ?

Cette conception ultralibéraliste, qui est au-delà de tout système politique, se résume à peu : la goinfrerie. Internet favorise cela : toujours plus de sensations, toujours plus de voyages, de pénis rallongés, toujours plus de ceci, de cela...

Vous avez été pourtant l'un des premiers artistes français à ouvrir un site Internet en 1998 et à y proposer des chansons, des échanges, des liens, des images. N'est-ce pas contradictoire ?

Baudelaire appelait le progrès le paganisme des imbéciles. Tous les acteurs de la musique sont tombés dans le fantasme de la modernité à ce moment-là. Les patrons de maison de disques ne juraient que par le Net sans pour autant comprendre de quoi il s'agissait. Au début, je mettais environ une chanson inédite par semaine à disposition sur mon site, gratuitement. Puis j'ai arrêté. Ces titres étaient téléchargés sans un merci, sans un bonjour, et éventuellement revendus sous forme de compilations payantes dans des conventions de disques. J'ai fait partie des imbéciles qui ont cru aux mirages de l'Internet, et de ce fait à la bonté naturelle de l'homme, à l'échange communautaire. L'homme a travaillé le fer pas seulement pour les charrues, mais aussi pour les épées, idem avec les atomes et le Net.

La gratuité sur Internet est-elle la seule cause de l'effondrement des ventes de disques ? Le déficit d'image d'une industrie habituée au court terme y est-elle pour quelque chose ?

Evidemment, 90 % de notre métier est fait par des gens formidables, des musiciens, des tourneurs, des ingénieurs du son, des attachés de presse, des artistes, des passionnés ! Mais l'image qui est passée dans le public est celle de ses patrons, arrivés là à cause de l'argent facile, de l'épate, du look. Le triomphe du petit bourgeois snobinard et de la fanfaronnade ! Nicolas Sarkozy ressemble tout à fait à un patron de maison de disques.

J'ai toujours été sidéré de voir comment l'industrie musicale attirait les médiocres à sa tête. Des médiocres qui dirigent des sociétés de taille modeste, sur le plan de l'économie mondiale, mais dont les émoluments s'alignent sur ceux des groupes multinationaux et consomment 80 % de la masse salariale dans les petites structures. Et les parachutes dorés ! Quand on licencie une centaine de salariés dans une maison de disques, comme chez EMI France par exemple, c'est en grande partie pour payer les indemnités du patron, c'est scandaleux.

La gratuité n'est-elle pas le meilleur moyen de démocratiser la culture ?

C'est une blague ! Cela nous tue. La démocratisation, c'est à l'école maternelle qu'elle doit être ancrée. Une fois les bases et l'envie acquises, chacun peut faire son choix. Par ailleurs, je ne suis pas démocrate, je suis happy few. La culture est le fait d'une minorité, d'une élite qui fait des efforts. Attention, pas une élite sociale ! La femme de ménage ou le facteur sont absolument capables de sentiment artistique. Mais la démocratisation, pour moi c'est le concours de l'Eurovision : chaque pays envoie son artiste fétiche. Et là, comme disait Baudelaire, la démocratie, c'est la tyrannie des imbéciles. Sur MySpace, vous allez voir 45 000 nigauds, les 45 000 artistes ratés qui ont ouvert leur page - j'y suis aussi, parce que sinon on me vole mon nom.

Qu'est-ce qu'un artiste raté ?

C'est celui ou celle qui fait la moitié du chemin, sans rien sacrifier. Le monde est plein d'artistes qui ne le sont que six heures par semaine, du samedi matin au dimanche soir. Ils sont d'une arrogance, ils veulent tout arracher ! Alors qu'être artiste, c'est un engagement total, où tous les risques sont pris. C'est une décision à laquelle on se tient. Quitte à dormir dehors, à vivre autrement. Tout le monde a en soi des capacités créatives, cela n'en fait pas un artiste pour autant. Etre artiste, c'est une affaire de vocation et de discipline, une discipline de fer. Etre artiste, c'est du travail, du travail, du travail et encore du travail.


Vous vivez et travaillez dans le Puy-de-Dôme, dans une ancienne ferme des environs de Clermont-Ferrand. Qu'y trouvez-vous ?

J'y ai mon studio d'enregistrement, et des conditions de travail idéales. Je vois très peu de gens... le facteur... Là-haut, la vie est frugale, on finit tout, on n'achète presque rien. Le pain dur est gardé pour la soupe du soir. Dans la nature, l'oubli de soi est plus facile, on va le matin aux champignons, on s'assied pour casser la croûte, on a ramassé un kilo de cèpes, voilà. On refait une clôture, on est dans le présent. Or, être dans le présent est la condition de la paix intérieure. Moi, j'aime aussi les activités qui ne laissent pas de place à la réflexion. Jouer des instruments, faire des prises de son. S'aménager une vie de travail. Car, à part aimer, travailler est la chose la plus belle à faire dans la vie.


Baudelaire parlait beaucoup de l'obligation de productivité du poète. En trois ans, Rimbaud a écrit l'équivalent de quinze disques ! Le mot qui revient le plus souvent dans sa correspondance avec sa mère et sa soeur, c'est "paysan". Il voulait l'être, il avait tous les catalogues de Manufrance, et mettait de l'argent à gauche pour cela.

Vous venez de publier Charles et Léo, des poèmes extraits des Fleurs du Mal, paru il y a cent cinquante ans, sur des ébauches musicales de Léo Ferré. Est-ce toujours d'actualité ?

Tout le monde se moque de la poésie, non ? Moi, je l'ai toujours aimée. Nous avons développé des personnalités a-poétiques. Un penchant poétique, c'est un penchant pour une langue, une métrique, des rimes riches. Là, en ce moment, on nous regarde de travers, parce que la poésie est la langue de la patience. Et dès que l'on pense poésie, le chaos insupportable dans lequel nous sommes plongés nous saute à la figure. Au XIXe siècle, quand Baudelaire écrit, se met en place un monde du progrès collectif, global, pas individuel. Il en ressort un profond sentiment d'étrangeté, d'ennui, car l'individu un peu marginal qu'il est, un beau rentier qui s'ennuie, ne trouve plus sa place.

Un chanteur est-il aussi un poète ?

La chanson est née avant l'écriture. C'est une survivance de la culture classique. Dans le rock, la confusion entre poésie et romantisme a été poussée au maximum - il y a aussi beaucoup cette image : le poète est romantique, qui est fausse. Le monde bourgeois du XIXe siècle a défini le poète comme un excentrique, un romantique, un mec qui se défonce.

Dans le rock, l'imagerie romantique nous colle aux basques. Soit dit en passant, Pete Doherty aujourd'hui ne se défonce pas plus que Baudelaire hier, au vin, à l'opium, à l'absinthe... En comparant des gravures de Victor Hugo, Gérard de Nerval, Alfred de Vigny, avec des posters des rockers des années 1970, c'est frappant. Regardez le chanteur Jeff Buckley avant sa mort en 1997, ou Cliff Richard en 1972 : le look négligé calculé, être entre l'animal et l'ange.

Rimbaud et Baudelaire disaient que la poésie ne servait à rien. Alors, il faut avoir assez de force de caractère pour faire les choses tout en sachant qu'elles ne servent à rien. Il faut une vertu supérieure pour tenir contre l'"à quoi bon ?". Il faut faire, faire. C'est essentiel.

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