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2 décembre 2007 7 02 /12 /décembre /2007 21:35

Conférence à l'institut:

http://www.canalacademie.com/Axel-Kahn-l-ethique-expliquee-aux.html


Axel Kahn confirme l'inexactitude de l'annonce sur les lignées cellulaires embryonnairesLe Pr Axel Kahn, directeur de l'Institut Cochin, participait mercredi 30 août à un "chat" sur le site Internet du quotidien Le Monde sur "Cellules souches embryonnaires : la nouvelle donne ?".

La première question d'un internaute concerne l'erreur des média français dans la transmission de l'information concernant l'annonce du Pr Lanza qui aurait réussi à fabriquer des lignées de cellules souches embryonnaires sans détruire les embryons (cf. revue de presse d'août). Or, à la lecture de la publication dans Nature, les chercheurs ont créé 2 lignées de cellules souches embryonnaires à partir de 90 cellules issues d'embryons au stade blastomère (embryons de 8 à 10 cellules) qui ont été détruits. Le Pr Kahn le confirme. Il explique que les chercheurs ont déduit de leur expérience qu'il pourrait être possible d'obtenir de telles lignées à partir de blastomères (embryons de 8 à 10 cellules) isolés à l'occasion d'un diagnostic préimplantatoire. Il rajoute "il s'agit d'une déduction, ils ne l'ont pas prouvé".

Le Pr Kahn défend la recherche sur les cellules souches embryonnaires et adultes. "D'un point de vue scientifique, il est raisonnable de garder deux fers au feu et de poursuivre les recherches, en parallèle, sur les cellules souches embryonnaires et sur les cellules souches somatiques".

Sur les perspectives thérapeutiques de la médecine régénératrice avec les celules souches, Axel Kahn estime : "Même s'il ne faut pas exagérer les promesses, et tomber dans le lobbying et la mystification (il n'y aura pas d'orviétan cellulaire...), ce sont là des perspectives qui ne sont pas fantasmagoriques".

Sur le clonage "thérapeutique" et la perspective d'isoler des cellules souches d'embryon cloné pour la recherche à des fins thérapeutiques, Axel Kahn rappelle :
- personne n'a encore réussi à créer des embryons humains par clonage,
- de telles recherches nécessitent un stock d'ovules importants. Rappelons que le Pr Hwang a eu besoin de 2061 ovules prélevées chez 450 femmes pour un résultat nul. Pour réunir ce stock, il a du faire pression sur ses laborantines d'un côté, et acheter les autres à 1 500 euros la dizaine... "Par conséquent, pour mener cette recherche, se pose la question démocratique fondamentale de la protection des femmes et de leur corps" explique le Pr A. Kahn,
-
si la technique du clonage d'embryon humain avait été au point, "la première utilisation qui en aurait été faite eût été d'être mobilisée pour les entreprises des candidats au clonage d'enfants"
,
- si un jour la création d'un embryon humain par clonage est réalisée, il s'agirait d'un procédé médical peu crédible tant la technique serait compliquée, lourde et chère.

Axel Kahn appelle à un débat loyal qui ne "force pas la main" des citoyens, qui refusent la recherche sur l'embryon, en les accusant de ruiner l'espoir de guérison de millions de personnes malades.

>> Lire en ligne l'intégralité du chat "Cellules souches embryonnaires : la nouvelle donne ?".

 

 

****************

 

rank Yates :  Une erreur, commise par les journaux francais qui ont retranscrit une dépêche AFP erronée du 22 août, a été reprise par toute la presse francaise récemment à propos des cellules-souches embryonnaires humaines. Cette information prétend (je cite la dépêche AFP) que "(...) une équipe américaine a réussi à produire deux lignées de cellules-souches embryonnaires sans provoquer la mort des embryons utilisés, rapporte mercredi la revue britannique 'Nature'". Or il n'en est rien, et l'article en question est explicite : pour l'instant il n'existe pas de lignées de cellules-souches embryonnaires créées sans avoir recours à la destruction d'embryon. Le travail de cette équipe américaine n'a pas consisté à créer de lignées de cellules-souches sans détruire d'embryon, mais plutôt à faire la "preuve de concept" d'une telle stratégie. De l'aveu même des chercheurs en question, beaucoup de travail reste encore à faire avant de pouvoir véritablement créer une lignée de cellules-souches embryonnaires sans détruire d'embryon. Qu'en est-il ?  


Axel Kahn :  Vous avez raison. La technique utilisée est partie d'embryons obtenus deux à trois jours après la fécondation, limités à 8 à 10 cellules. Ces embryons ont été détruits et toutes leurs cellules ont été isolées. Sur environ 90 de ces cellules (appelées blastomères), 2 lignées de cellules-souches embryonnaires ont été établies. Les auteurs en ont déduit qu'il pourrait être possible d'obtenir le même résultat à partir de blastomères isolés à l'occasion d'un diagnostic préimplantatoire, qui consiste à prendre une seule cellule sur la dizaine que compte l'embryon. Il s'agit d'une déduction, ils ne l'ont pas prouvée.  

FredAix : La récente découverte américaine permettant de prélever des cellules-souches sur des embryons sans leur causer de préjudice serait-elle une réelle avancée éthiquement parlant, ou est-ce une tentative pour faire évoluer les concepts du président Bush, totalement opposé au clonage thérapeutique ?   

Axel Kahn :  Tout d'abord, cette technique ne concerne pas le clonage thérapeutique. Elle concerne les conditions d'isolement des cellules-souches embryonnaires. Si l'équipe américaine était en effet capable d'établir des lignées de cellules-souches embryonnaires à partir de blastomères uniques isolés d'embryons sans les détruire, cela empêcherait tous les Etats qui autorisent le diagnostic préimplantatoire d'interdire cette technique : en effet, ce sont les conditions exactes utilisées pour le diagnostic préimplantatoire (DPI). Les Etats-Unis pratiquent largement le DPI. En revanche, l'Eglise catholique est totalement défavorable à la fécondation in vitro et au DPI, et ne saurait donc se satisfaire de la nouvelle technique.

Pour les pays, comme la France, où il est possible, sous certaines conditions, de détruire des embryons surnuméraires pour en isoler des lignées de cellules-souches embryonnaires, la méthode décrite par l'équipe américaine est de peu d'intérêt. Pour l'instant. Dans l'avenir, on peut pourtant imaginer que des laboratoires privés, par exemple sur Internet, proposent aux futurs parents de faire la fécondation in vitro, de trier les embryons par DPI pour éviter des tares génétiques graves, et, pour le cas où, d'établir une lignée de cellules-souches embryonnaires grâce à laquelle on pourrait soigner le futur enfant et l'adulte qu'il deviendra tout au long de sa vie. Une telle promesse serait aujourd'hui totalement mensongère, mais elle n'est pas fantasmagorique. Une promesse mensongère n'a jamais empêché un business d'être un succès...  

Jérôme :  Le débat éthique sur les cellules-souches embryonnaires ne pourrait-il pas être évité, par l'utilisation de cellules-souches de potentiel identique, présentes ailleurs dans le corps humain ?  

Axel Kahn :  Si des cellules ayant exactement le même potentiel que celui des cellules-souches embryonnaires existaient, en particulier dans l'organisme adulte, vous auriez raison. Cela dit, il est loin d'être établi que tel est le cas.

Dans les différents organes, on trouve des cellules-souches dites "somatiques" ou "adultes", qui, en principe, peuvent régénérer l'organe d'où elles proviennent. Il est possible qu'elles puissent faire un peu plus : dans la moelle osseuse, un très petit nombre de cellules-souches peuvent également être à l'origine de muscle, de cartilage, d'os, et peut-être d'autres types cellulaires. Ces résultats sont cependant difficiles à reproduire et loin de donner accès à un matériel utilisable.  

Mon avis est que : 1) d'un point de vue scientifique, il est raisonnable de garder deux fers au feu et de poursuivre les recherches, en parallèle, sur les cellules-souches embryonnaires et sur les cellules-souches somatiques ;  

2) même pour un catholique fervent qui considère que la vie humaine commence à la fécondation, il n'existe pas d'argument décisif pour s'opposer à une recherche sur l'âge embryonnaire de la vie humaine ; la médecine progresse en effet grâce aux recherches qu'elle mène à tous les âges de la vie humaine.  

Eric62 :  Que pensez-vous des nouvelles sociétés qui font croire à certaines familles que le prélèvement de sang du cordon du nouveau-né leur permettra de se soigner dans l'avenir ?  

Axel Kahn :  Ces promesses sont aujourd'hui mensongères mais, là encore, pas totalement fantasmagoriques. Avec les cellules-souches de sang de cordon, il est crédible que l'on puisse soigner certaines maladies du sang (par exemple des leucémies) des enfants. On n'est néanmoins pas sûr d'en avoir assez. Quant à soigner les autres maladies dont pourrait souffrir cet enfant, affectant d'autres tissus que le sang, la perspective en est beaucoup plus incertaine. Mais, comme je l'ai dit, la crédibilité d'une promesse commerciale n'est pas indispensable au succès du business. 


 

Quant à l'affaire récente dévoilée par le Sunday Times, selon laquelle des sociétés proposeraient également à des sportifs de haut niveau ce matériel afin de pallier les conséquences d'accidents pouvant entraver leur vie sportive, il s'agit d'une perspective encore beaucoup plus irréaliste, dont les bases scientifiques et médicales sont pratiquement inexistantes.


Cependant, les sportifs sont des femmes et des hommes généreux et courageux, mais d'une incroyable crédulité. Les affaires de dopage, par exemple, montrent la facilité avec laquelle ils tombent sous la coupe de n'importe quel charlatan qui peut se targuer d'un vernis scientifique et qui leur promet d'augmenter leurs performances...  

Ievo : L'utilisation de cellules-souches embryonnaires permettra-t-elle des avancées dans les traitements de procréation médicalement assistée ?  

Axel Kahn :  La principale indication des travaux sur les cellules-souches embryonnaires est la médecine régénératrice plus que la médecine de la reproduction. Cependant, on sait aujourd'hui qu'il est possible de commander la différenciation de cellules-souches embryonnaires en gamètes (ovocytes ou spermatozoïdes). Il existe encore des doutes très importants sur le pouvoir fécondant de tels gamètes.

Récemment, une équipe allemande, je crois, est parvenue dans un petit pourcentage des cas à féconder des ovocytes de souris à l'aide de gamètes mâles dérivés de telles cellules-souches embryonnaires. On manque de recul sur l'efficacité globale du phénomène et la qualité des petits animaux qui en naissent. 

A noter que si l'on greffait à un homme stérile des précurseurs de spermatozoïdes provenant d'une cellule-souche embryonnaire humaine quelconque, il ne transmettrait pas son propre patrimoine génétique, mais celui de la personne dont seraient issues les cellules-souches embryonnaires utilisées. Il s'agirait en quelque sorte d'une "fécondation naturelle avec sperme de donneur"...  

Baxter : Quelle est l'utilité de cette procédure dans la mesure où les gamètes sont beaucoup plus faciles à obtenir que les cellules-souches ?  

Axel Kahn : L'utilité serait de remplacer la fécondation artificielle (dépôt d'une paillette de sperme congelé) par la possibilité d'un rapport fécondant. Je ne milite pas pour la technique, dont je m'amuse au contraire des résultats singuliers, si jamais elle était un jour mise au point.

Cependant, avec des techniques de type clonage thérapeutique, on pourrait envisager, si on savait le faire, de prendre des cellules de la peau de l'homme stérile, de transférer leur noyau dans les ovocytes énucléés de donneuses, d'obtenir ainsi un embryon cloné, des cellules-souches embryonnaires clonées auxquelles on commanderait de se transformer en "spermatogonies", les précurseurs des spermatozoïdes. Dans ce roman biologique, l'homme greffé avec de telles cellules produirait des spermatozoïdes portant son patrimoine génétique.  

Philippe Schwartz :  Y a-t-il des espoirs concernant le traitement de la maladie de Parkinson ? J'ai 57 ans et je suis au début de la maladie...  

Axel Kahn :  Il y a beaucoup de progrès réalisés aujourd'hui concernant la maladie de Parkinson et son traitement. De nouveaux médicaments apparaissent, un protocole par stimulation électrique donne des résultats remarquables dans les formes évoluées. Au début de la maladie, on espère être aussi capable de ralentir l'aggravation en protégeant les cellules menacées de dégénérescence. Le remplacement des cellules dégénérées par thérapie cellulaire, qui a déjà fait l'objet d'essais cliniques à travers le monde, est une perspective supplémentaire. A ce jour, il m'est impossible de préciser la voie qui donnera le plus rapidement les meilleurs résultats.  

Jacques :  Pouvez-vous nous expliquer les derniers progrès quant à l'utilisation des cellules-souches embryonnaires pour la guérison du diabète ?  

Axel Kahn :  L'utilisation des cellules-souches embryonnaires pour traiter le diabète insulino-dépendant est lointaine et incertaine. En effet, on sait aujourd'hui transformer des cellules-souches embryonnaires en une grande diversité de cellules de l'organisme, mais avec plus ou moins d'efficacité. Pour des raisons que l'on ne connaît pas bien, les cellules pancréatiques secrétrices d'insuline obtenues par différenciation de cellules-souches embryonnaires ont encore aujourd'hui un fonctionnement très insuffisant. Je fais plus confiance, pour améliorer le traitement du diabète, à d'autres techniques qu'à celles reposant sur des cellules-souches embryonnaires.  

Catherine :  Les cellules-souches peuvent-elles avoir un intérêt pour soigner le sida ?  

Axel Kahn :  Le traitement du sida repose sur la destruction de toutes les cellules infectées par le virus et par le blocage de l'affection de nouvelles cellules. Dans ce contexte, l'utilisation thérapeutique des cellules-souches ne semble pas particulièrement prometteuse. Dans le domaine du sida, les deux voies les plus porteuses d'espoirs sont les médicaments d'une part, la vaccination d'autre part.  

Soja : Quelles sont les pathologies qui bénéficieraient le plus rapidement et efficacement de l'utilisation des cellules-souches embryonnaires ?  

Axel Kahn :  La médecine régénératrice reposant sur les cellules-souches, et en particulier les cellules-souches embryonnaires, serait avant tout indiquée dans toutes les maladies dégénératives, ou dans la réparation de lésions, ou encore dans la reconstitution d'organes abîmés par des traitements.  

Donnons des exemples. Il devrait être possible, dans l'avenir, de renforcer les fonctions d'un coeur affaibli par un infarctus du myocarde. Nous espérons qu'il sera possible, ainsi que je l'ai répondu à un internaute, de préparer des populations de neurones qui pourraient permettre de remplacer des populations en voie de dégénérescence : maladie de Parkinson, chorée de Huntington, par exemple. Les espoirs de pouvoir réparer une moelle épinière lésée ou sectionnée, et donc de secourir des paraplégiques ou des tétraplégiques, sont sans doute à plus long terme.

Les cellules-souches embryonnaires pourraient être à l'origine des cellules-souches réparatrices du sang, et remplacer dans l'avenir les greffes de moelle ou les greffes de cellules de sang de cordon. Fabriquer de la peau pour couvrir des brûlures est une autre indication. On pourrait également envisager de fabriquer de l'os (que l'on sait d'ailleurs faire par d'autres moyens aujourd'hui) pour compenser des pertes osseuses après chirurgie pour tumeur ou accident grave. Dans les maladies du foie, on espère être capable de repeupler des foies malades par des populations de cellules saines, etc.  


Coyote :  Les cellules-souches ne bénéficient-elles pas du même effet de mode que la thérapie génique il y a dix ou quinze ans ? Ne risquent-elles pas d'aboutir aux mêmes désillusions ?  

Axel Kahn :  Incontestablement, il y a un effet de mode en ce qui concerne les cellules-souches, qui transparaît bien à travers les questions qui m'ont été posées : les cellules-souches pour guérir le sida, pour guérir le cancer, pour aider à l'assistance médicale à la procréation, etc.

Pour autant, la thérapie cellulaire est déjà une réalité dont bénéficient, quotidiennement, un grand nombre de malades à travers le monde : comme j'y ai fait allusion, traitement des maladies du sang par greffe de moelle ou greffe de sang de cordon ; traitement des brûlés par greffe de peau ; quelques tentatives de traitement du diabète par injection de tissu endocrine du pancréas.

La médecine régénératrice avec les cellules-souches dont on parle correspond par conséquent à une extension des possibilités d'une technique déjà utilisée et dont l'efficacité est avérée. Même s'il ne faut pas exagérer les promesses, et tomber dans le lobbying et la mystification (il n'y aura pas d'orviétan cellulaire...), ce sont là des perspectives qui ne sont pas fantasmagoriques.  

Jean-Pierre :  Que pensez-vous des brevets sur la recherche de base, en particulier le brevet du WARF concernant les cellules-souches ?  

Axel Kahn :  Je suis totalement opposé à des brevets pris sur la connaissance elle-même, c'est-à-dire sur la découverte. La société libérale occidentale a inventé les brevets au XVIIIe siècle pour protéger le droit des inventeurs à bénéficier de leur invention, invention à laquelle ils pouvaient parvenir plus aisément grâce à un accès libre aux découvertes et aux connaissances qui en découlent.  

Des brevets sur la connaissance et sur la découverte aboutiront à renchérir les inventions, à les rendre plus difficiles, et à rendre les produits qui en seront dérivés encore plus inaccessibles à beaucoup de ceux qui en ont besoin mais dont les moyens économiques sont limités.  

Pascal :  Quelles sont les limites éthiques que vous ne souhaitez pas voir dépasser par cette recherche sur les cellules-souches ?  

Axel Kahn :  Pour moi, la limite éthique absolue est le non-respect du respect dû aux autres. Par conséquent, il faut veiller à ce que la recherche sur les cellules-souches embryonnaires et l'utilisation éventuelle d'ovocytes ne fassent pas peser sur des contingents de jeunes femmes impécunieuses un risque supplémentaire de marchandisation de leur corps.  

Je pense qu'il n'y a pas lieu d'augmenter le pouvoir des géniteurs sur les caractéristiques de leur progéniture. Le sexe d'un enfant, beaucoup de ses caractéristiques, sont le fruit de la grande loterie de l'hérédité, dans laquelle le hasard intervient. Ce hasard permet d'échapper au désir des géniteurs de prendre le contrôle sur le corps de leur enfant. Je suis par conséquent totalement opposé au droit donné à quiconque, et même aux géniteurs, de décider ("évidemment à l'insu de leur plein gré"...) du sexe ou d'autres éléments du corps d'un enfant. Une telle vision exclut naturellement le recours au clonage reproductif.  

Nico :  Quelles garanties existent aujourd'hui en France et dans les autres pays qui maîtrisent cette technologie pour empêcher que ces cellules ne soient conservées et utilisées à des fins non éthiques ?  

Axel Kahn :  La loi française révisée en 2004 institue une Commission de biomédecine dont l'avis est requis pour toute recherche sur l'embryon, tout isolement de cellule-souche embryonnaire humaine et tout type d'utilisation de celle-ci. Le code pénal prévoit des sanctions pour les contrevenants. Des lois similaires existent dans certains pays, mais pas dans tous.  

Isabelle : Est-on en retard, en France, dans cette recherche sur les cellules-souches ?  

Axel Kahn :  La France a une très bonne position sur l'étude des cellules-souches embryonnaires en général, et en particulier animales. Il existe même d'excellentes équipes travaillant sur le clonage des mammifères.  

Cependant, d'autres pays européens sont en avance sur nous, pour des raisons de tradition scientifique, de contexte philosophique, éthique et législatif. Les cellules-souches embryonnaires de souris ont été mises au point initialement en Angleterre, et ce pays a certainement une avance importante dans ce domaine en général. Par ailleurs, la recherche sur l'embryon humain était interdite en France jusqu'à la loi de 2004 et au décret d'application qui date de la fin 2005. Ce retard ne me semble pas rédhibitoire.  

En Angleterre, par exemple, la recherche sur l'embryon, autorisée depuis 1990, passe également par une commission (la Haute Autorité de la fertilité et de la reproduction). Le nombre d'autorisations demandées à cette Haute Autorité est en réalité assez limité.  

Il existe quatre situations : les pays les plus permissifs autorisent la création d'embryons pour la recherche, soit par fécondation, soit par transfert de noyau (quand ce sera possible, car personne ne l'a jamais fait chez l'homme aujourd'hui). La seule condition est de détruire ces embryons avant quatorze jours. Ces pays sont avant tout l'Angleterre, Singapour, la Chine, la Corée du Sud, depuis peu et de manière plus restrictive, la Belgique et certains pays nordiques. 


 

D'autres pays autorisent la recherche sur les embryons surnuméraires, dans des conditions très réglementées, mais interdisent la création d'embryons soit par fécondation, soit par transfert de noyau. C'est le cas de la France, de l'Espagne, des Pays-Bas, par exemple.  

D'autres pays interdisent toute recherche sur l'embryon passant par sa destruction. C'est le cas de l'Italie, de l'Allemagne (mais l'Allemagne est en train de faire évoluer sa loi), de l'Autriche, du Luxembourg, de la Pologne, des pays baltes, de l'Etat du Vatican évidemment, des pays catholiques d'Amérique du Sud, des Philippines, etc.  


Aux Etats-Unis, la situation est plus ambiguë : toute recherche passant par la destruction d'embryons ne peut être financée sur des crédits publics. Aucune loi n'interdit néanmoins de mener ces recherches, y compris le transfert de noyau (clonage dit thérapeutique) dans un cadre privé.  

Seb :  Selon vous, quels principaux arguments pertinents justifient-ils encore une interdiction du clonage thérapeutique ?  

Axel Kahn :  Qu'appelle-t-on clonage thérapeutique ? C'est une technique qui serait basée sur la création par transfert de noyau d'un clone embryonnaire d'une personne à soigner. Des cellules-souches embryonnaires seraient isolées de ce clone. On pourrait leur commander de se différencier en la population thérapeutique dont on a besoin. Après transfert, un tel matériel cellulaire serait parfaitement toléré puisqu'il porterait les mêmes gènes, et donc les mêmes antigènes d'histocompatibilité, que ceux du receveur malade.  

La première question qui se pose est celle du caractère réaliste de la méthode. J'ai personnellement dénoncé la mystification que représentait la présentation de cette méthode comme une extraordinaire perspective thérapeutique follement prometteuse pour des millions de malades souffrant de diabète, de maladie d'Alzheimer, d'infarctus du myocarde, etc.  

En effet, 1) personne ne sait aujourd'hui créer d'embryons humains clonés suffisamment normaux pour en isoler les cellules-souches embryonnaires. Le professeur Wang, en Corée, un des meilleurs spécialistes du clonage animal à travers le monde, a essayé cette technique sur 2 061 ovules prélevés chez 450 femmes. Malgré ses mensonge initiaux, ses tentatives furent toutes vouées à l'échec. Le clonage thérapeutique consiste donc aujourd'hui à mettre au point la techniques de création d'embryons humains clonés, ce qui n'a pas encore été réalisé.  

2) Parmi les 450 Coréennes donneuses d'ovules, 10 % ont eu des troubles d'une certaine gravité liés à la procédure d'induction de l'hyperovulation, procédure aujourd'hui indispensable pour se procurer les précieux ovules. Contrairement à ses dires, le professeur Wang a obtenu ces ovules par deux moyens : il a fait pression sur certaines de ses laborantines pour qu'elles donnent leurs ovules ; elles n'avaient guère la possibilité de refuser... La plupart des autres ovules ont été achetés 1 500 dollars la dizaine. Par conséquent, pour mener cette recherche, se pose la question démocratique fondamentale de la protection des femmes et de leur corps.  

3) Une des raisons importantes pour lesquelles les raéliens, le gynécologue anglais Antinori et d'autres ne sont pas parvenus à cloner des bébés, c'est qu'ils ne maîtrisent pas la première étape de cette procédure : la création d'embryons clonés. Si la technique de Wang avait été au point, et n'avait pas recouvert une fraude, je suis certain que la première utilisation qui en aurait été faite eût été d'être mobilisée pour les entreprises des candidats au clonage d'enfants. Tant les problèmes posés par l'utilisation thérapeutique de la méthode restent compliqués. 

4) Imaginons que toutes les difficultés soient résolues ; une technique thérapeutique destinée à des dizaines, des centaines de millions de personnes dans le monde (les maladies concernées sont fréquentes) et qui exigerait au moins 10 donneuses par malade, c'est-à-dire des centaines de millions ou des milliards de donneuses dans le monde, des dizaines de milliards d'ovules, la mobilisation d'une armée de laborantins et de laborantines pour chaque malade, aboutit à une technique tellement compliquée, tellement lourde, tellement chère, qu'elle est peu crédible en tant que procédé médical.  
Au total, chaque pays, et la communauté mondiale dans son ensemble, peut très bien décider d'autoriser une recherche exigeant la fabrication d'un petit nombre d'embryons clonés chez l'homme. Il faudra alors discuter les avantages (intérêt scientifique, étude des mécanismes des maladies génétiques, peut-être perspectives thérapeutiques pour le futur) en contrepartie des inconvénients (conditions dans lesquelles les ovules seraient récupérés, risque de donner la recette dont ils ont besoin aux cloneurs d'enfants).  

Pour que ce débat soit démocratique, il faut qu'il soit loyal, c'est-à-dire qu'on ne force pas la main des représentants du peuple en prétendant que si jamais ils étaient réticents, alors ils ruineraient l'espoir d'amélioration de l'état de santé d'innombrables personnes malheureuses attendant cela pour être soignées.  

Chat modéré par Constance Baudry

Dominique de Villepin signe la pétition de « Charlie Hebdo »
Article paru dans l'édition du 04.10.07

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harlie Hebdo et SOS-Racisme lancent, dans Libération du 3 octobre, une pétition contre la possibilité de recourir à des tests ADN comme preuve de filiation. Parmi les signataires, Dominique de Villepin, qui, le 23 septembre, s'était déclaré « blessé » par l'instauration de tels tests, estimant que cela ne « correspondait pas à l'histoire et à l'esprit de notre pays ». Figurent également parmi les premiers signataires de cette pétition les socialistes Laurent Fabius et François Hollande, le centriste François Bayrou, Bernard Thibault (CGT), le généticien Axel Kahn et les actrices Jeanne Moreau et Isabelle Adjani.


Les propos sur la génétique de Nicolas Sarkozy suscitent la polémique
LEMONDE.FR : Article publié le 04.04.07
Dans un entretien avec Michel Onfray dans "Philosophie Magazine", le candidat UMP explique qu'il "incline[rait] à penser qu'on naît pédophile". Cette incursion du président de l'UMP dans le champ de la génétique fait réagir sur le Web.

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ne plaisanterie circule actuellement de mail en mail – intitulée "Trouvez l'auteur" –, reprise par plusieurs blogs de philosophie ou d'actualité. "J'inclinerais, pour ma part, à penser qu'on naît pédophile, et c'est d'ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie. Il y a mille deux cents ou mille trois cents jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n'est pas parce que leurs parents s'en sont mal occupés ! Mais parce que, génétiquement, ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d'autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l'inné est immense."

Le mail invite à répondre à l'injonction, en précisant que l'auteur n'a "aucune formation scientifique". La citation est en fait issue de la rencontre entre Nicolas Sarkozy et Michel Onfray, publiée dans Philosophie Magazine de mars 2007. Une rencontre que Michel Onfray raconte en détail sur son blog.

"VISION RIDICULE ET FAUSSE"

Le généticien Axel Kahn a également dénoncé, dans une tribune publiée par Marianne les propos du candidat UMP : "La vision d'un gène commandant un comportement complexe tel que ceux conduisant à l'agressivité, à la violence, à la délinquance, à la dépression profonde avec dérive suicidaire, est ridicule et fausse". Pour M. Kahn, "cette conviction réaffirmée par le candidat de l'UMP à l'Elysée confirme ses liens idéologiques avec la nouvelle droite".

Sur la Toile, des forums et des blogs consacrés à la question du suicide ont également vivement commenté ses propos : "C'est une erreur absolue car quel scientifique peut prétendre connaître le gène du suicide ?"  L'extrait du texte est d'ailleurs repris, depuis sa publication sur des blogs anti-Sarkozy.

Invité mercredi de l'émission "Questions d'info LCP-Le Monde-France Info", Jean-Marie Le Pen a également donné tort au candidat de l'UMP.  "Si nous sommes habités par des gènes qui sont en eux-mêmes criminogènes, ça veut dire que nous n'avons pas la responsabilité de ce que nous faisons. Il a dû se tromper, ce n'est pas possible", a-t-il estimé. 


Téléthon

Où vont les dons ?

Article paru dans l'édition du 09.12.06
L'Association française contre les myopathies tentera, les 8 et 9 décembre, de battre son record de dons. Bénéficiaires de cette manne colossale, les chercheurs s'interrogent sur ses choix stratégiques

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ue l'on approuve la générosité dont il témoigne ou qu'il agace par le spectacle de la commisération, le Téléthon ne laisse personne indifférent. Pilotée par France Télévision pour le compte de l'Association française contre les myopathies (AFM), la vingtième édition de l'émission tentera, vendredi 8 et samedi 9 décembre, de battre une fois de plus son propre record de dons, qui s'établit depuis 2004 autour d'une centaine de millions d'euros. Depuis 1987, année de lancement du premier Téléthon, 1,2 milliard d'euros a été collecté en faveur de la lutte contre les maladies neuromusculaires. Une sommes colossale, dont les généreux donateurs ignorent largement l'utilisation : en 2004, la Cour des comptes signalait ainsi que le « contenu de l'émission demeure peu informatif sur la destination précise des fonds collectés lors des Téléthon précédents ».

D'une petite association créée en 1958 pour lutter contre les maladies orphelines d'origine génétique, l'AFM est devenue, au fil des Téléthon, une puissante organisation, forte de 500 salariés et structurée comme une société privée. Cette croissance exponentielle n'est pas allée sans quelques dérives. Dans son rapport, la Cour des comptes notait ainsi que les dépenses de fonctionnement avaient doublé depuis 1994, et que les dix rémunérations les plus élevées, qui dépassent parfois 100 000 euros bruts annuels, avaient crû quatre fois plus vite que l'inflation. Après un examen attentif de ces comptes, la Cour donnait cependant acte à l'AFM que « l'emploi des fonds collectés par le Téléthon est globalement conforme à l'objet de l'appel à la générosité publique ».

Depuis le lancement du Téléthon, l'AFM organise ses financements autour de deux grandes missions : « guérir » les pathologies neuromusculaires (63,5 % de ses missions en 2005) et « aider » les malades (33,6 %). Si ce dernier poste a considérablement amélioré la vie des patients, souvent lourdement handicapés, par la création de consultations spécialisées et d'un suivi personnalisé, c'est surtout en matière de recherche biomédicale que l'AFM a assis son influence. Sur ce terrain, elle a remporté d'indéniables résultats, souvent de première importance. Avec l'argent des premiers Téléthon, l'AFM a ainsi créé en 1991 le laboratoire Généthon, qui a réussi à décrypter en quelques années la quasi-intégralité du génome humain et localisé plus de 800 gènes impliqués dans des maladies rares.

Après ce premier coup d'éclat, qui a bénéficié à l'ensemble de la communauté scientifique, l'AFM s'est concentrée, à partir de 1997, sur la recherche de traitements curatifs, en privilégiant la thérapie génique (introduction d'un gène dans une cellule malade) et la production de vecteurs utiles à celle-ci. Associée au CNRS et à l'Inserm, ou finançant directement des laboratoires français et étrangers, l'AFM remporte alors, en 2000, un second succès en obtenant la guérison des « bébés bulle » atteints d'un déficit immunitaire sévère. Depuis, l'argent du Téléthon a servi également à financer la thérapie cellulaire et, notamment, les travaux français menés sur les cellules souches embryonnaires. Aujourd'hui, l'AFM finance ou cofinance 400 programmes de recherches différents, dont 35 essais cliniques sur le gros animal préfigurant de futurs essais sur l'homme.

Malgré ces résultats, la question de la stratégie de l'association est posée par certains scientifiques. Forte de la confiance que lui accordent chaque année les donateurs du Téléthon, l'AFM s'est en effet imposée comme un partenaire incontournable des organismes de recherche français que d'aucuns estiment par trop encombrant. Le choix de l'association de privilégier la thérapie génique - en 1996, l'AFM affirmait : « Si la thérapie ne marche pas encore, un jour elle marchera » - est l'objet de critiques, eu égard à la complexité de cette technique et à ses résultats, jugés mitigés.

« La thérapie génique est globalement un échec, estime ainsi Jean Kirster, secrétaire général adjoint du Syndicat national des travailleurs de la recherche scientifique (SNTRS-CGT). Or, pendant vingt ans, le Téléthon a eu un effet de rouleau compresseur parmi les équipes de recherche. Il fallait faire de la thérapie génique si on voulait être recruté et financé. » « L'AFM est un de nos très gros partenaires, nuance Christian Bréchot, directeur général de l'Inserm, dont l'organisme a bénéficié, en 2006, de 7 millions d'euros de l'AFM, soit 6 % de ses ressources, hors subventions de l'Etat. C'est un volant incitatif très complémentaire pour nos équipes de chercheurs. Mais nous ne sommes pas dans des relations de diktats : dans le partenariat que nous avons établi, nous maîtrisons les choix scientifiques opérés. »

En tout état de cause, l'association ne se cache pas de vouloir orienter les recherches dans le seul but qu'elle s'est fixé, « guérir », et revendique, à ce titre, « un pouvoir des malades ». Le conseil d'administration de l'AFM, composé de parents d'enfants malades, décide seul, in fine, des projets à financer après avis d'un conseil scientifique. « On ne lâche pas les scientifiques sur cette perspective de guérison, plaide Laurence Thiennot-Herment, présidente de l'AFM. Si on est dans la recherche fondamentale pour la recherche fondamentale, sans être sur la recherche du médicament, cela ne nous intéresse pas. L'objectif est de sauver nos enfants. »

Pour beaucoup de scientifiques, la place et la puissance de l'AFM sont à mettre en regard de la faiblesse de l'implication de l'Etat dans la recherche. « Le poids qu'a acquis l'AFM dans les choix scientifiques est révélateur de l'impuissance des pouvoirs publics à mettre en place une vraie politique de recherche, que ce soit par des fonds publics ou par des donations ou fondations, avec une fiscalité adaptée, comme dans les pays anglo-saxons », analyse Jean-Claude Weill, professeur d'immunologie à l'hôpital Necker-Enfants malades. « L'AFM est une association de malades qui a pour objectif de hâter l'avancée d'un médicament, et non l'avancée de la science, considère pour sa part Axel Kahn, biologiste et directeur de l'Institut Cochin (Paris-V). C'est le prix à payer à partir du moment où une partie de la recherche dépend de la volonté des malades. Il serait dramatique que la recherche en santé soit par trop dépendante de l'engagement associatif. »



L'HOMME, CE ROSEAU PENSANT, d'Axel Kahn
Article paru dans l'édition du 20.04.07

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u'est-ce qui fonde notre humanité et nous distingue des autres espèces animales ? Dans son nouvel essai sur « les racines de la nature humaine », Axel Kahn explore les pistes : la capacité à ressentir la beauté, la liberté ou encore l'idée de bonheur ? Serait-ce le rire, comme l'affirmait Rabelais ? Kahn reprend l'idée de Bergson selon laquelle l'homme rit seulement de lui-même, de ses semblables ou de tout ce qui les évoque, sans lui reconnaître « la valeur d'un mécanisme fondamental et général ». Il souligne que l'humanisation suppose l'interaction avec le semblable. Pour le généticien, le propre de l'homme est l'auto-amplification de ses capacités cognitives et culturelles, cette capacité à exprimer et à percevoir une infinité de contenus à travers une infinité de symboles. Son aptitude aussi à se construire une conscience et une morale. Ainsi, nous dit Axel Kahn, seul l'homme possède la responsabilité de s'imposer un devoir. Ce livre brillant et érudit a des résonances très actuelles. En particulier lorsque Axel Kahn évoque l'« ensauvagement » : « Tout se passe comme si l'incapacité de la civilisation moderne, développée et technicisée, à éradiquer toutes les formes d'associalité était mise sur le compte de leur origine neurogénétique, débouchant sur l'illusion d'une possible correction thérapeutique de cette résistance à la domestication. » On ne saurait mieux dire.
Paul Benkimoun
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